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sous un mauvais toit, des enfans maigres et demi-nus se disputer quelques morceaux de pain noir, il n’aurait pas le courage de vouloir prendre sa part d’un repas aussi mauvais que mesquin.

« Il n’est pas possible que les choses subsistent dans l’état actuel, malgré tous les arrêts : il faut que les habitans de Thiers fassent supprimer le droit, ou que le droit détruise la ville… Je sais bien que je les désole, pour ma part, au nom du Roi, par les impôts que je les oblige de payer ; mais si M. de Thiers se joint à moi, avec sa leyde perçue en toute rigueur, nous ferons un désert de la ville de Thiers ; il faudra malgré moi que je poursuive les habitans dans le lieu où ils se réfugieront et ils seront perdus pour M. de Thiers… Dans cette position, je sais quel parti je dois prendre et je ne veux pas vous cacher que, si les choses ne changent pas, je trouverai le moyen de hâter la dépopulation de Thiers, soit en portant à Ambert tous les avantages que je puis accorder au commerce, soit en hâtant la communication tracée de Lyon à Clermont par Ambert. Ainsi malgré tous arrêts obtenus, je saperai la leyde par ses deux fondemens, la consommation des artisans et le commerce des grains. Ce n’est pas certainement que j’aie envie de nuire à M. de Thiers, encore moins de l’offenser, mais je ferai avec courage ce que je crois de mon devoir… M. de Thiers est votre ami : plaidez la cause de ses vassaux ; je le connais de réputation, il en sera touché ; ceci ne regarde point les gens d’affaires ; il ne faut point être jurisconsulte pour connaître les droits d’un pauvre à la pitié.

« M. de Thiers vous dira peut-être que ces habitans sont des esprits mutins, querelleurs, inquiets, qui lui ont fait mille chicanes pendant le cours du procès ; il vous dira la vérité, mais enfin ce sont des hommes, je ne les trouve pas faciles à gouverner, mais je cherche à les soutenir, parce qu’ils sont malheureux et travailleurs, les deux meilleurs titres qu’un homme puisse avoir.

« Je ne vous demande point de pardons, monsieur, de la longueur de ma lettre je connais votre manière de penser et d’après le sujet que je traite, je ne crois point vous avoir importuné. Je vous offre une bonne action à faire, et je m’attends à vos remerciemens. »


L’excellent Barthélémy ne gagna point sa cause ; de Chanteloup, le 18 juin 1769, Crozat fit savoir à Montyon que toute