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homme avec lequel on devait compter, et peu de jours après, le 30 décembre 1770, Terray lui écrivit qu’il « était bien le maître de venir à Paris. »

Montyon répondit seulement le 8 février, et par quelques phrases dilatoires ; le 16 du même mois, Terray lui manda de nouveau : « Quoique je ne doive pas douter de votre empressement à venir chercher les secours que votre santé exige, je vous exhorte encore à ne pas différer de vous rendre ici, le service du Roi y étant intéressé[1]. »

À ce deuxième appel, l’intendant fût bien obligé de se rendre ; étant venu à Versailles, il connut ce qu’on attendait de lui : revêtir le titre et les fonctions de commissaire du Roi, installer solennellement le Conseil supérieur de Clermont, faire enregistrer par les présidiaux et les bailliages l’édit qui instituait la nouvelle juridiction d’appel, briser les résistances, en usant au besoin de la force, et en mettant les gendarmes aux trousses des juges récalcitrans.

On devine avec quel visage indigné Montyon accueillit ces instructions et de quel style il refusa de les suivre. Défense immédiate lui fut faite de retourner en Auvergne.

Du coup, le pauvre Montyon s’alite, en proie à la fièvre : comme pour l’achever et lui ôter tout espoir de justice, amis ou ennemis lui mandent les plus fâcheuses nouvelles. Tantôt c’est la composition dérisoire du Conseil supérieur de l’Auvergne, qui renferme notamment un mousquetaire, trois gentilshommes auvergnats, un chanoine de la cathédrale et un bailli de Billom ! Tout ce monde est « sans études, ni examens, ni grades ; » il a fallu l’envoyer prendre ses degrés à Bourges, en vertu de lettres de cachet[2]. Tantôt, c’est le tableau des défaillances observées dans le parti de la légalité : « La bataille n’est pas encore finie, on ne sait à qui restera le champ… Le présidial d’Aurillac a enregistré ; Saint-Flour et Salers ont fait la même chose, que fera Riom ? On en est fort inquiet : on prétend que M. de Chazerat a des ordres pour se servir de la maréchaussée et sévir contre les refusans… On sauve les apparences ; on juge, on plaide, les juges, les avocats et les procureurs sont exacts au palais. Mais tout cela est long et peut-être ne le sera pas assez[3]. » Le

  1. Archives de l’Assistance publique.
  2. Ibid.
  3. Flammermont, op. cit.