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sonnel. D’autre part, — et M. Faguet paraît bien, à plus d’une reprise, avoir entrevu l’objection, — d’autre part, est-il entièrement prouvé que le xviiie siècle ait définitivement ruiné les « pouvoirs spirituels » d’autrefois ? Si, par hasard, — un siècle est peu de chose dans l’histoire de l’humanité, — ces pouvoirs spirituels n’avaient subi qu’une éclipse momentanée et qu’ils dussent, quelque jour, rallier à nouveau l’adhésion générale des consciences ? Pure hypothèse, dira-t-on. Sans doute ; et il faut laisser à l’avenir le soin de trancher la question. Mais une chose est sûre cependant. Ces anciens pouvoirs spirituels ne sont pas morts : le catholicisme et le protestantisme, pour les appeler par leur nom, ont tous deux survécu à l’assaut de la philosophie du xviiie siècle ; ils ont continué à vivre, à se développer, à évoluer durant tout le cours du xixe siècle ; ils ont continué, pour un nombre considérable d’àmes, à remplir leur ancien office, et, dans l’histoire morale du siècle qui vient de s’achever, leur histoire respective n’est point chose négligeable Or, c’est cette histoire qui manque dans le livre de M. Faguet. L’histoire réelle et vivante du catholicisme en France au XIXe siècle n’est pas tout entière contenue dans l’œuvre de Joseph de Maistre et de Donald, de Ballanche et de Lamennais ; et pareillement, Mme de Staël et Constant, Guizot et Quinet ne sont pas tout le protestantisme français au siècle dernier. Il manque donc un élément essentiel à la puissante synthèse tentée par M. Faguet : il ne nous a guère présenté, si je puis ainsi dire, que la face livresque de la pensée religieuse et morale du XIXe siècle. Si quelque jour il entreprend d’écrire cette Histoire philosophique du christianisme qui l’a quelquefois tenté, il comblera, j’en suis sûr, cette importante lacune, et, sans peut-être modifier grand’chose à ses conclusions, il sera amené à retoucher un peu, sur certains points, le tableau d’ensemble qu’il nous a magistralement tracé.

Ce sont là, je le sais, chicanes un peu pédantesques. C’est la part de l’envie, comme disait Pascal. M. Faguet, d’ailleurs, je l’ai dit, a si bien pressenti l’objection qu’il écrit lui-même ceci, dans l’Avant-propos de son dernier volume :


Et pendant ce temps-là, les vieilles forces intellectuelles et morales qui se trouvaient en présence dans toute l’Europe au xviiie siècle, catholicisme contre protestantisme, se sont retrouvées face à face et se partagent les esprits que la philosophie indépendante a comme laissé échapper ; et ce phéno-