Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du port de Toulon et remonter jusqu’au ministre pour autoriser la délivrance au Pothuau de deux boutons de sonnerie et de quatre communications, le tout valant 17 francs, etc., etc. On passe des traités en forme pour les fournitures les plus minimes, si bien que tel objet de 8 francs revient à 22 fr. 50, grevé des frais de timbre, d’enregistrement, de correspondance, etc. Et c’est le Contrôle de la marine qui, poussé par le ministère des Finances, exige de semblables pratiques sous prétexte de régularité ! Le Trésor y gagne en effet les droits de timbre qu’il se paie à lui-même, on voit à quel prix.

Il en résulte chez les administrateurs une timidité dont il est superflu de faire ressortir les inconvéniens. Elle se serait bien développée toute seule : mais on a pris soin d’organiser un corps spécial, sinon dans l’intention de la généraliser, du moins de manière à le faire. C’est le corps du Contrôle. Soutenu par des influences politiques, ayant bâti sa fortune sur des révélations à l’usage des parlementaires, le Contrôle a été finalement constitué contre les administrateurs plus qu’en faveur de la chose publique. Comme il n’a souci que de la régularité des formes, et point des conséquences de fait, il est surtout un « empêcheur. » Par lui, par le respect superstitieux de la formalité, la notion du temps, et parfois de la dépense, s’oblitère. On vise le parfait, en tout cas le « régulier. » Peu importent les garanties morales, techniques, pratiques, d’une gestion efficace ou avantageuse ; une seule chose compte : la garantie matérielle du papier signé.

On sait pourtant combien cette dernière peut être illusoire. Le régime de la défiance nous coûte cher. Les grands marchés de matériel en font la preuve. La loi, le Parlement, le Contrôle s’efforcent de leur donner la forme nécessaire de l’adjudication. On se met de la sorte à couvert de toute collusion de fonctionnaires. Mais la fourniture est conquise de plein droit par l’offre la plus basse. Si ingénieuses que soient les conditions de recette, le système convient mal à des outils, à des appareils délicats qu’on ne juge entièrement qu’à l’usage. Il retarde et trouble la construction des bateaux, pèse sur la préparation des plans, compromet les résultats. L’industrie privée préfère souvent, avec raison, exercer un choix plus éclairé dans un cercle de fournisseurs éprouvés. Nous venons d’assister cependant à une nouvelle campagne de presse et de tribune en faveur de l’adjudication obligatoire