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voyez les carrières s’amoindrir matériellement, et néanmoins perdre chaque jour de cette considération qui les grandissait : vous vous expliquerez le mécontentement presque général, dernier résultat, l’un des plus douloureux, de nos méthodes d’administration navale.


III. — L’ORGANISATION

Ce coup d’œil sur l’actif et le passif, sur les matériaux et sur l’œuvre accomplie doit s’achever en une comparaison, qui constitue un jugement. Or la « balance » accuse encore un déficit. Le défaut des forces morales ou matérielles consacrées à la marine n’explique pas directement toutes ses faiblesses. Des déperditions intermédiaires caractérisent sa gestion, et ferment entre les influences extérieure; ; et les résultats de fait la chaîne des conséquences.

L’anarchie d’en bas. — D’origine politique, mais faisant corps avec l’institution navale, nous trouvons d’abord l’anarchie des arsenaux. Les ouvriers, contremaîtres et auxiliaires, ont reçu depuis dix ans de singulières faveurs. Pour les simples ouvriers, la retraite n’est pas inférieure à 600 francs après vingt-cinq années de service ; et pour les autres, on ne s’explique les avantages disproportionnés dont ils ont été gratifiés que par une erreur matérielle commise en 1900. Véritables fonctionnaires, assurés d’une position stable, ces privilégiés se sont empressés de répudier toute discipline. Leurs syndicats, traités avec les derniers égards, ont tout de suite versé dans la propagande révolutionnaire. On les laisse prêcher l’antimilitarisme, le sabotage, insulter publiquement par affiches leurs supérieurs hiérarchiques, le préfet maritime et le ministre. La première liberté qu’ils ont exigée, et tout d’abord prise, c’est celle de ne rien faire. L’administration semblait les y encourager. Elle avait commencé par en asseoir une part croissante dans les bureaux. Pour M. l’ingénieur Doyère, sous-directeur à Toulon, l’arsenal est « une usine d’écritures et de comptabilité, où les travaux ne représentent que l’accessoire. » Et d’après le capitaine de frégate Ravoux, commandant de la flottille, l’insuffisance du travail et l’excès des formalités ont porté de 15 à 123 jours la durée de réparation d’une torpille. Toulon recevrait mensuellement du ministère environ mille dépêches qu’il faut parfois reproduire