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Inutile d’ajouter, comme complément des détails succinctement énumérés dans ce paragraphe, que les églises du pays, les dimanches et fêtes, se garnissaient jadis de fidèles. Nous insisterons volontiers sur certains traits de mœurs locales se reliant directement à ce même sujet. On trouve au-dessus de B..., sur la crête qui limite les Hautes et Basses-Alpes, une chapelle ruinée ; elle était encore debout au milieu du siècle dernier et, une fois l’an, le curé en étole, suivi de son clerc et de toute la population, devait y monter en chantant certains versets liturgiques. La pratique a été abandonnée au grand regret des gens de l’endroit qui, quoique bien peu dévots, prétendent que l’oubli du vieux rite entraîne la fréquence plus grande de la grêle.

A la T... de B... au fond du cirque apparent qui encercle les principaux hameaux de la commune, se distingue une chapelle encore debout, accrochée à un rocher escarpé. C’est l’ermitage de Saint-P...., qui formait aussi un but de procession ; mais celle-ci, s’il faut en croire les anciens, ne devait pas manquer de piquant. Jamais le pauvre ecclésiastique surchargé de sa chape réglementaire n’aurait pu tenter l’aventure à pied en chantant les litanies. Aussi était-il juché sur un mulet et précédé de deux « sapeurs » dont le rôle traditionnel était de lui frayer chemin au travers des halliers. Ceux-ci ayant disparu, ils se contentaient d’abattre quelques touffes de lavande ne gênant en rien le passage. Cette cérémonie dura jusqu’au jour où un curé jeune et gai nouvellement installé dans la paroisse ne réussit plus à garder son sérieux quand il se vit hissé sur sa monture et flanqué de ses gardes du corps ; il pria ses ouailles de le dispenser désormais de cette excursion.


IV

Revenons aux temps présens, mais ne quittons pas encore, dans notre causerie, la question religieuse. Entrons un dimanche dans l’église de B... ; la paroisse, nous le savons, compte environ 170 habitans, et il ne s’y célèbre qu’une messe. L’assistance ne brille donc pas par le nombre, car elle ne compte qu’une douzaine de villageoises, quatre ou cinq petites filles, le clerc comme seul garçonnet et deux paysans dont un vieux. Du reste, l’édifice est si petit qu’il suffit à peine à contenir les fidèles peu fervens qui, comme dans toute la Provence, ne manquent pas les messes