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reproduira plus les exagérations de Darluc et s’il qualifie d’âpre et effrayant le quartier des bains de Digne, c’est non sans raison. Il est vrai qu’il ne s’enfonce point aussi avant dans les montagnes que son devancier ; mais homme du Nord, accoutumé aux vignes proprettes des environs de Paris, touriste appréciant la vigne et l’olivier dans le Midi, il fait peu de cas des prairies, des champs de blé, voire même des bois, et insiste sur la tristesse, sur la vétusté, sur la saleté de Riez, de Senez, de Forcalquier, de Manosque, de Sisteron, contrastant avec les localités de la Basse-Provence qu’il vient de visiter, contrastant aussi quelquefois pour toutes ces villes déjà nommées avec des banlieues assez riantes.

Toutefois, le second explorateur aurait eu le droit de se montrer plus sévère que le premier, après examen des mêmes lieux. Dans l’intervalle d’une tournée à l’autre la Révolution avait eu lieu avec ses conséquences générales et, en plus, des ravages locaux par suite de l’abolition de toute espèce de règlement de police. On avait défriché et saccagé au hasard, comme le constate en 1797 le Journal des Mines. Aux premiers débuts du nouveau régime, les administrateurs du département récemment créé se plaignaient déjà, et ce ne fut qu’en 1819 que, sans rien appliquer, on proposa les premiers remèdes au mal.

Pour qu’un paysage ou hameau des Basses-Alpes présente un aspect qui ne soit pas désagréable il faut que deux conditions se trouvent réunies. La première, qui fait défaut dans plus d’un village de l’arrondissement de Digne ou des environs de Castellane, c’est que les montagnes soient boisées à fond ou du moins garnies d’une végétation plus sérieuse que la lavande, par exemple, et encore cette plante s’élimine des éboulis, des « robines » schisteuses et ne voile pas toujours la dénudation du roc calcaire blanchâtre. La seconde, c’est que la vallée s’ouvre un peu : le ravin étranglé au fond duquel se blottit le groupe de maisons a beau être frais parce qu’il est sombre et humide, l’absence du soleil enlève toute gaieté.

Figurons-nous au contraire un horizon un peu moins étouffé, que l’élargissement permette une extension plus développée de cultures fruitières et de prairies, supposons des montagnes préservées de l’excès du déboisement ou artificiellement repeuplées, ou dont l’éloignement dissimule un peu l’aridité, et le site, surtout baigné des rayons d’un beau soleil, pourra, aux