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péréquation de l’impôt foncier, dans un sens équitable, se fera-t-elle jamais ?

Il est à remarquer que le dépeuplement de la zone frontière risque de compromettre gravement la question de la défense nationale. Les troupes en manœuvres ne trouvent plus que des chalets déserts, des hameaux abandonnés, et les villages à moitié délaissés ne présentent que de faibles ressources comme abris ou centres de ravitaillement. Beaucoup des rares bergers ou cultivateurs qui errent encore dans ces solitudes alpestres sont des Piémontais non naturalisés qui, en cas de conflit, repasseraient vite la frontière ou, s’ils restaient en France, rempliraient un rôle plus dangereux qu’utile. Il faut à tout prix maintenir quelques Français et quelques agglomérations d’approvisionnement dans les hautes vallées. On approcherait au moins de ce but en affectant exclusivement les habitans de cette zone aux chasseurs alpins et en leur accordant, au point de vue militaire, certains avantages.

Il est de règle dans notre belle France que, plus le travail à accomplir diminue, plus la dépopulation s’accentue, plus s’accroît le nombre des fonctionnaires de toute espèce. En ce qui concerne plus particulièrement les Basses-Alpes, on se demande par exemple s’il faut maintenir ces 250 communes dont les trois quarts infimes et composées pour la plupart de hameaux rivaux, qui se jalousent entre eux. A quoi les gens du pays répondent que les disputes intestines deviendraient encore plus aiguës en cas de fusion, et que mieux vaut l’état actuel où, conformément aux traditionnels usages, chaque petit propriétaire profite à son tour des avantages de la mairie, qui se résument en des facilités de pacage[1]. En maintenant l’ancien nombre de communautés, on fait ainsi plus d’heureux.

Dans ces humbles localités des Basses-Alpes, le maître d’école est un capitaliste parce que, grâce à ses appointemens, il a dans sa poche quelques écus sonnans, mais souvent il s’ennuie tellement, faute d’occupations, que la tendance actuelle est de le faire remplacer par une institutrice qui, du moins, peut employer

  1. Les historiens locaux notent une règle très ancienne, fidèlement suivie dans les petites villes de la Haute-Provence, savoir que les charges municipales étaient temporaires, de sorte que chaque famille bourgeoise présidait tour à tour aux affaires. Ce roulement forcé, affirment les mêmes érudits, retenait les anciennes familles dans leur pays d’origine.