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caractères, et, plus généralement encore, avec tous les révolutionnaires des temps passés, présens et à venir. C’est une thèse qu’il a soutenue ; il n’en a pas fait, que nous sachions, une application immédiate et provocante à des lois nettement déterminées ; et l’eût-il fait, on peut se demander si quelques-uns des membres du ministère actuel auraient moralement le droit de le lui reprocher comme un crime. On a rappelé à M. Briand qu’il avait, lui aussi, à un moment donné, parlé des lois avec un certain dédain. « Vous pouvez lire tous mes discours, a-t-il répondu, vous n’y trouverez pas un conseil de violence. » Nous aimons mieux en croire M. Briand que de relire tous ses discours, quelque éloquens qu’ils soient ; mais s’il n’a jamais conseillé la violence, est-ce que Mgr Andrieu l’a fait ? Et quand bien même ce prélat aurait commis quelque écart de langage, encore y aurait-il lieu de se demander si la provocation venue de lui a été suivie d’effet. Tous les jours, les militans socialistes et anarchistes poussent audacieusement à la violation (des lois. Leurs paroles sont recueillies, entendues, obéies ; des violences se produisent, le sang coule. Jusqu’à ce dénouement, on laisse tout dire et tout faire. Quand il arrive, on est bien obligé de réprimer ; mais aussitôt on songe à apaiser et l’amnistie tutélaire vient tout réparer. Quelle différence lorsque c’est un prêtre qui parle ! Tout de suite on ouvre une instruction, on prépare des poursuites. Nous n’avons plus le droit de nous étonner de cette inégalité, puisque M. Clemenceau en a fait un des principes fondamentaux de sa politique . L’émeutier appartient aux organisations encore informes de l’avenir, et le prêtre à l’organisation puissante du passé : donc, le premier peut tout faire à peu près impunément, et le second ne peut même rien dire sans être traduit devant les tribunaux. Nous attendons la suite de l’instruction ouverte contre Mgr Andrieu pour un simple délit d’opinion, à supposer même qu’il y ait eu délit. Mais il semble bien, à voir l’empressement avec lequel le ministère s’en est emparé, qu’il ait cherché l’occasion de faire un procès à un cardinal. Il espère évidemment y trouver quelque profit. Combien de gouvernemens avant lui ont vécu en répétant sous toutes les formes : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! « Ce mot, accompagné de quelques gestes appropriés, suffisait à tout : il peut encore servir à quelque chose.

Une discussion, qui a eu lieu à la Chambre, a été évidemment inspirée par la même préoccupation. M. Maurice Barrès a posé une question à M. le ministre de l’Instruction publique sur le suicide d’un lycéen, au lycée Pascal, à Clermont-Ferrand, suicide qui a été