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n’avaient que leurs fusils. Ils décidèrent de mourir et ouvrirent le feu. On vit beaucoup d’officiers et d’hommes se suicider ; une torpille coupa en deux le navire, et ces braves périrent tous.

Lorsque, au milieu d’avril commencent les pèlerinages, le voyageur qui se rend au temple de Shi-ju-sichi-Shu à Tokyo, assiste à un touchant spectacle. Ce temple est consacré à 47 Ronins, — nom donné aux samuraïs qui ont perdu leur maître ; — c’est là qu’ils sont inhumés. A l’entrée, se vendent, pour quelques centimes, des paquets de minces baguettes d’encens. Des Japonaises, tenant par la main leurs petits garçons de six à huit ans, les mènent dans le charmant enclos planté d’arbres, où les 47 pierres tumulaires sont dressées. Devant chacune d’elles est un petit bloc de pierre formant autel. A gauche, un tube pour mettre des fleurs ; au centre, une excavation contenant de l’eau et formant bénitier ; à droite, la pierre disposée pour recevoir l’encens. Les mères apprennent à leurs enfans à déposer une baguette d’encens allumée sur chaque autel, et celles qui disposent de quelque monnaie les conduisent ensuite voir les reliques des héros, déposées dans une sorte de musée situé à droite du temple. Tous connaissent l’histoire de ces 47 Ronins qui se sont suicidés après avoir vengé leur maître forcé à l’harakiri pour avoir frappé un grand personnage qui l’avait humilié. Ces hommages religieux rendus à la fidélité sont faits pour impressionner l’enfant et le préparent à sacrifier sa vie, lorsque l’honneur ou le loyalisme seront en jeu. Jusqu’en 1871, le samuraï vivait dans le château de son daïmyo et recevait pour lui et sa famille une solde consistant annuellement en un certain nombre de sacs de riz. Lors de la suppression de la féodalité, il existait environ 300 daïmyos avec 450 000 samuraïs. L’administration impériale a remplacé toutes les redevances par une somme globale payée en bons sur le Trésor. Les samuraïs eurent d’abord la faculté d’opter, mais en 1876, un décret rendit l’option obligatoire. Depuis cette époque, un assez grand nombre d’entre eux, ne sachant pas comment gagner leur vie et n’étant préparés à aucun métier, sont tombés dans des situations précaires. Mais, en général, leurs anciens seigneurs, qui constituent maintenant la classe dirigeante de la nation et occupent un grand nombre d’emplois dans le gouvernement, ne les ont pas abandonnés ; d’ailleurs, l’armée leur est restée largement ouverte, et ils ont contribué à former des cadres incomparables