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hommes se conduisent d’après l’estime dans laquelle on les tient, on peut constater le résultat de la dépression morale de cette classe par la difficulté qu’éprouvent actuellement les commerçans européens dans leurs transactions. Le gouvernement fait de grands efforts pour changer ces erremens. Il réprime la malhonnêteté partout où elle se manifeste. C’est ainsi qu’au mois d’avril douze députés faisant partie de la majorité gouvernementale ont été incarcérés et sont poursuivis devant la cour criminelle pour malversations et actes de corruption découverts dans la faillite de. la Compagnie de raffinage des sucres du Jai)on. Une transformation des mœurs commerciales demande du temps. Quoiqu’une amélioration se constate dès maintenant, la masse des commerçans n’a pas encore compris que la loyauté dans l’exécution des contrats, et la rapidité d’exécution une fois les accords conclus, sont l’unique source des bénéfices sérieux. Il convient de dire, pour l’excuse du commerce japonais, que, dans le passé, les Européens avaient donné de détestables exemples. Leur première intervention s’était manifestée par des actes sans scrupule, et il est certain que, sous l’engouement apparent pour notre civilisation, se cache un fond de méfiance avec lequel on doit compter. L’histoire succincte des premières relations du Japon avec l’Europe justifie ce sentiment[1].

Le Japon avait été découvert par les navigateurs portugais en 1542. Des missionnaires catholiques furent aussitôt envoyés et, en avril 1549, la mission de saint François Xavier, venant de Goa dans l’Inde, prenait pied à Kagoshima. En 26 mois, le nombre des convertis dépassait 1 000. Trente ans plus tard, en 1582, le rapport annuel envoyé à Rome par les jésuites accusait un chiffre de 150 000 chrétiens, nombre important si l’on considère le petit nombre de missionnaires : 75 jésuites, dont 30 indigènes. La manière dont s’opéraient les conversions était méthodique. Les missionnaires s’adressaient aux seigneurs féodaux avides de trafiquer avec les Portugais. Le commerce coopérait ainsi à l’œuvre de conversion. Ils obtenaient des daimyos qu’aucun culte, autre que le catholique, ne fût toléré dans leurs fiefs. Au Japon central, où le commerce étranger ne pénétrait pas, il y eut des conversions dues aux convictions religieuses, mais la manière de procéder était la même. Le daïmyo Nobunaga, et après lui

  1. Things Japanese, by Basil Hall Chamberlain. London, 1905.