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rebuter, ou tout au moins retarder, des intelligences moins tenaces. Cependant, tous les obstacles furent surmontés, et cela grâce à la passion de s’instruire particulière à la race, ainsi qu’à la volonté orgueilleuse de pouvoir se passer bientôt de l’étranger, u C’est une perte de temps d’aller en Allemagne pour étudier la philosophie, disait dernièrement un savant japonais revenu depuis peu de Berlin ; le sujet est beaucoup mieux enseigné à Tokyo et avec une conception plus pratique. » Les universités se vantent d’avoir fait en vingt ou trente ans ce qui a nécessitée l’Europe plusieurs siècles pour l’accomplir. Quelques-unes vont même plus loin et prétendent distancer l’Europe. Le Japonais manque, dit-on, d’imagination ; on le croit capable de copier, d’imiter, mais non d’inventer. Pour asseoir ce jugement, il sera bon d’attendre. En tous cas, s’il n’a pas étonné le monde par la profondeur de ses discussions philosophiques, il a inventé deux fusils, l’« Arisaka » et le nouveau modèle appelé le fusil de la trentième année, parce qu’il a été fixé dans la trentième année du règne de l’Empereur. Son canon de campagne a reçu également d’heureuses modifications, et la construction des nouveaux cuirassés, le Kawachi et le Settsu, chacun de 20 800 tonnes, qui seront en service vers la fin de 1911, réserve probablement des surprises.

La force actuelle du Japon est due dans une large mesure à l’action que le gouvernement exerce au moyen de l’instruction publique. Il est intéressant de constater avec quelle minutie il développe l’esprit militaire chez les enfans. Dans les écoles privées ou publiques, l’instruction gymnastique et militaire est donnée d’après des programmes officiels, rendus obligatoires dès 1886. Ils ont produit d’excellens résultats sous le rapport du développement physique aussi bien que moral. A la fin de leurs études scolaires, les jeunes gens n’ont plus à apprendre que la pratique du tir et le combat. Les filles mêmes sont forcées de suivre un cours de gymnastique. Or il existe 27 000 écoles primaires avec 110 000 maîtres d’école et 5 millions 135 000 élèves, auxquels il faut ajouter 258 écoles secondaires, 4 700 professeurs et 95 000 écoliers. Ces chiffres montrent la puissance de cette organisation guerrière, où les femmes elles-mêmes ont un rôle d’infirmières. Un orgueil patriotique d’une exaltation extrême en est l’âme. La nation est loin d’être orientée vers l’admiration de ce qui se fait à l’étrangler. Adopter le système métrique serait