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utile de voir comment un conflit pourrait naître de la situation actuelle[1].

Lors de la discussion du traité de Portsmouth qui a mis fin à la dernière guerre, le Japon avait demandé la cession du chemin de fer Mandchourien jusqu’à Harbin. Au moment où l’armistice fut stipulé entre les délégués du maréchal Oyama et le général Liniéwitch, le quartier général de celui-ci était à Kunchu-ling, à 64 verstes au Sud de Kuang-cheng-tzu, point stratégique important. La station de Shang-tu-fu, à 500 verstes de Port-Arthur, était la limite de la zone occupée effectivement par les Japonais. Leur diplomatie a obtenu par le traité de Portsmouth la cession du chemin de fer jusqu’à la station de Kuang-cheng-tzu, gagnant ainsi 160 verstes de chemin de fer sur le terrain occupé effectivement par les Russes. Cette cession a été fort reprochée à M. Witte, plénipotentiaire russe, négociateur du traité avec le baron Komura. Il semble bien que personne n’en a envisagé l’importance pour l’avenir de la Mandchourie. Elle signifie qu’aussitôt que les Japonais auront fini de reconstruire le chemin de fer jusqu’à Kuang-cheng-tzu, la clef des vastes plaines à blé du haut Sungari sera entre leurs mains. En effet à Kung-chu-ling qui est à 60 verstes au Sud de Kuang-cheng-tzu, on passe du bassin du Liao dans celui du Sungari, et de cette station à Kirin, qui commande le passage du Sungari, il y a seulement 112 verstes qui seront bientôt parcourues par un chemin de fer. Le Japon peut pénétrer aussi dans cette importante province de Kirin, par le Nord-Est de la Corée qu’il occupe. Il est donc ainsi en situation de menacer de deux côtés Harbin, point stratégiquement vital aussi longtemps que la Russie dépendra du chemin de fer transmandchourien pour ses communications avec Vladivostock et la province maritime.

L’occupation de Kirin par les Japonais compromet Harbin et le chemin de fer transmandchourien : de même, l’occupation de Nicolaïevsk, par des forces venant de Saghalien, ferait tomber toute la région du bas Amour. Or, les Russes voudraient maintenant garder la station de Kuang-cheng-tzu et poussent le gouvernement chinois à construire de sa propre initiative le chemin de fer de cette station à Kirin. Ceci serait contraire au traité de Péking de janvier 1905. Il est fort douteux que les Japonais le

  1. The Coming struggle, by B. L. Putnam Weale. London, 1909.