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cheminée. Au reste, il n’avait jamais dans sa chambre qu’une copie de ses feuilles, toujours du feu, — pour la brûler en cas d’alerte, — et des cahiers de droit, des livres de musique dont il était censé s’occuper. Les jours d’« ordinaire, » grand nombre de nouvellistes venaient chez lui prendre copie de ses gazetins. Il était « fuyard de milice. » C’était déjà, au XVIIIe siècle, le gazetier antimilitariste.

Citons encore, parmi les rédacteurs de Rambaud, Noël et Felmé, le premier, « bourgeois de Paris ; » le second, très utile à ses camarades, car il était « nouvelliste privilégié, » c’est-à-dire autorisé par la police et, sous son couvert, les feuilles rédigées par la bande purent, durant quelque temps, circuler en sécurité.

L’importance de l’officine Rambaud grandit rapidement : en 1746, l’inspecteur Poussot estimait que toutes les nouvelles de Paris sortaient de là.

Traqués par la police, nos compagnons ne peuvent avoir leur salle de rédaction en un local fixe. Tantôt ils se réunissent au cabaret du Gros Raisin, rue de la Harpe, où Rochebrune les vient guetter ; tantôt au couvent de la Congrégation, rue Neuve-Saint-Germain, dont les portes leur sont ouvertes par le domestique d’une dame pensionnaire ; d’autres fois, nos publicistes trouvent hospitalité dans l’hôtel de quelque grand seigneur, chez le président de Novion, chez le marquis de Saint-Chamand, place Royale, où « le suisse ou portier, avec une fille qu’ils connaissent dans la maison, leur donnent retraite. » Pendant qu’ils travaillent dans sa loge, « ledit suisse se tient dans la rue à faire le guet et sa femme fait pareil personnage à l’une des fenêtres de l’hôtel. »

Mieux encore, pour dépister les agens de M. le lieutenant général, nos gazetiers transportent leur officine chez les fous. « Les Pelites-Maisons, écrit Rochebrune, sont un de leurs bureaux d’adresse. »

Mais l’auxiliaire le plus précieux, le plus actif, le plus dévoué que Rambaud trouva dans sa carrière de journaliste, fut une femme, Geneviève Pomier, la sœur aînée de cette petite peste de Marguerite de qui il vient d’être question.

Née à Jarnac comme sa sœur, belle fille de vingt-cinq à vingt-huit ans, Geneviève Pomier avait la passion du nouvellisme, et rien ne lui coûtait pour favoriser une propagande, dont les hasards et les risques répondaient à son goût.