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ennemis. « En 1783, écrit le lieutenant de police Lenoir, M. de Vergennes (ministre des Affaires étrangères) fit mettre la main au collet d’un rédacteur de nouvelles qu’il avait protégé. On faisait passer à l’étranger des nouvelles manuscrites, elles étaient revues et corrigées aux Affaires étrangères. Dans la copie d’une de ces nouvelles, adressée à l’Impératrice (Marie-Thérèse), on avait ajouté des vers infâmes contre sa fille. Le ministre fit mettre son favori à la Bastille.

« Pour se justifier de l’insertion furtive, cet homme allégua que l’un des commis avait pu seul commettre cette indignité. La perquisition fit trouver la pièce de vers dans un tiroir. On ne put saisir le commis infidèle : il avait déjà pris sa volée. »

Marie-Thérèse attachait la plus grande importance à ces gazettes manuscrites et en donne maintes preuves dans sa correspondance avec Mercy-Argenteau ; souvent elle en écrit à sa fille. Les premières nouvelles qu’elle avait ainsi reçues, après l’arrivée de Marie-Antoinette en France, l’avaient ravie d’aise. Il n’y était question que des grâces de la Dauphine, de l’amour du peuple pour elle ; mais ensuite ces mêmes gazettes ne tardèrent pas à la peiner : elles parlaient de la dissipation de sa fille, de son goût pour le jeu, pour la toilette, pour le théâtre, pour les plaisirs. Marie-Thérèse voyait dans ces feuilles, — non sans raison, — le reflet de l’opinion publique.


X. — LES PAMPHLÉTAIRES

Les nombreux nouvellistes, de qui l’œuvre nous passe rapidement sous les yeux, avaient leurs spécialités, comme, de nos jours, les journalistes. Les uns ne s’occupaient guère que de politique générale et d’affaires étrangères, tel le comte de Lionne au début du XVIIIe siècle ; les autres, des « affaires du temps, » des questions jansénistes et parlementaires, tel ce Maximilien Gauthier, frère d’un conseiller au Parlement et qui compta l’abbé Prévost parmi ses collaborateurs ; ceux-ci, de littérature : c’est la fameuse Correspondance de Grimm ; ceux-là de Beaux-Arts : citons les Salons de Diderot, car l’on ne sait pas assez que les très célèbres Salons de Diderot étaient des nouvelles à la main ; d’autres enfin, de la chronique de Cythère. On appelait plus spécialement les feuilles de ces derniers des « petites