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ménage rien : opéras, tragédies, comédies, auteurs, interprètes, et danseuses, tout est persiflé, censuré, mis en morceaux. L’artiste qui tient le rôle de la Comédie-Française paraît en longs habits de deuil, car elle est toujours veuve de Molière ; la tragédie est représentée par un personnage costumé en romain et suivi de son confident Oripeau. L’acteur, note Chevrier, s’exprime « d’un ton guindé et outré. » La Comédie-Italienne n’est guère mieux traitée. Tout passe sous la critique acerbe d’un censeur sans pitié. Seule Mme Favart trouve grâce ; encore l’éloge se termine-t-il par une pointe : « Elle est propre à tout : chanter, danser, parler et... quelquefois se taire. »

La pièce fit une chute retentissante. Chevrier, qui ne manque jamais l’occasion de se bafouer lui-même, est le premier à conter l’aventure :

« Je faisais paraître sur la scène une danseuse pour rappeler l’entrée récente des ballerines dans les pièces de la Comédie-Italienne. Le personnage principal, la Critique, voyant cette fille débuter par des entrechats, lui demande :


Quel motif en ces lieux vous fait porter vos pas ?


« Et la danseuse de répondre :


J’arrive pour tirer un auteur d’embarras.


« — Ma foi, il était temps, » repartit quelqu’un du parterre. On rit, puis ce furent des clameurs et la pièce ne put aller jusqu’au bout.

Nous ne suivrons pas cet auteur infatigable en ses nombreuses productions. Quelques-unes d’entre elles se lisent aujourd’hui encore avec plaisir. Le style en est rapide, piquant, coloré. L’aventure de Mme Godiche coeffeuse est une jolie petite nouvelle, d’un ton très moderne, très vivant, semblable à celles que les feuilles littéraires aiment à publier de nos jours.

Après une courte réapparition à Nancy d’où il fut encore chassé à la suite d’une satire, les Platogés, contre les membres du Parlement, Chevrier se rendit en Allemagne. A Francfort, où il loge au Cygne blanc, il fait représenter, le 6 décembre 1759, la Nouvelle du jour. M. Gillet en parle dans sa notice sur Chevrier. Il possédait cette comédie dans sa bibliothèque. Nous n’avons pu malheureusement parvenir à nous en procurer un