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lontairement absconse, s’en trouvent éclairés, bien des traits expliqués et légitimés. Nous n’avons pas toujours sous la main le Bhaghavata Pourana et les détails de la Saga finnoise ou de la légende polynésienne ne sont pas tous présens à notre esprit. Le livre de M. Vianey nous les remémore de la façon la plus heureuse. C’est ainsi qu’au xvie siècle, pour mettre à la portée du lecteur la poésie érudite de Ronsard, l’officieux Marc-Antoine Muret avait adapté à l’œuvre de son ami un commentaire suivi. Encore pour commenter Ronsard suffisait-il de posséder la mythologie grecque et romaine. On ignorait dans ces âges naïfs les Hindous comme les Scandinaves, et nul ne se souciait de savoir quelles conceptions du monde avaient pu germer dans des têtes barbares. Mais Leconte de Lisle voulut les connaître toutes, afin de les faire revivre dans la forme impérissable de ses vers. Quelle était au surplus sa secrète pensée ? Le pur dilettantisme ou une inquiète curiosité l’a-t-elle poussé à évoquer les religions disparues ? C’est le point que s’est proposé d’élucider l’auteur d’une étude sur le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle[1], M. H. Elsenberg. — À ces travaux d’érudition joignons des livres d’un caractère plus intime, qui nous apportent sur la vie, sur le caractère, sur la sensibilité de l’homme des renseignemens nouveaux. Ce fut d’abord la publication des Premières poésies et lettres intimes[2], par M. B. Guinaudeau. Puis MM. Marius et Ary Leblond eurent la bonne fortune de récolter encore un fort contingent d’inédit pour en composer une précieuse biographie[3]. Enfin, un écrivain bien connu pour le culte qu’il a voué au maître, Jean Dornis, vient de consacrer à Leconte de Lisle[4] une étude toute pénétrée d’émotion. — Après cela, si l’on veut replacer Leconte de Lisle dans son temps et marquer tout à la fois les influences qu’il a subies et la part qui lui revient dans la formation du nouvel idéal poétique, on ne saurait mieux faire que de consulter la thèse de M. Cassagne, la Théorie de l’art pour l’art[5], où, pour la première fois, se trouvent systématisées et précisées les tendances du groupe qui va de Gautier aux Parnassiens et de Flaubert aux Goncourt.

  1. Henri Elsenberg, le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1 vol. in-8o (H. Jouve).
  2. Leconte de Lisle, Premières poésies et lettres intimes. Préface de B. Guinaudeau (Fasquelle).
  3. Marius-Ary Leblond, Leconte de Lisle d’après des documents nouveaux [Mercure de France).
  4. Jean Dornis, Essai sur Leconte de Lisle (Ollendorfl').
  5. A. Cassagne, la Théorie de l’art pour l’art, 1 vol. in-8o (Hachette).