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supérieur et vraiment universel, qui s’appuie, se fonde sur la musique, pour s’élever encore plus haut, et s’y épanouir.

Nous n’avons pas fait à la danse de nos alliés moins de succès qu’à leur musique. Des trois ballets offerts à nos regards, Cléopâtre a paru le plus luxurieux, les Sylphides le plus classique, et le Festin le plus national. Eussé-je préféré le premier, je ne l’avouerais peut-être pas, mais en vérité j’ai mieux aimé les deux autres. La musique ici doit être mise hors de cause, ne consistant le plus souvent qu’en d’incohérentes et vulgaires rapsodies. Passe encore pour la partition de Cléopâtre, où sont cousus quelques lambeaux éclatans. Mais c’est aux sons des mazurkas et des valses de Chopin, orchestrées à la diable, que les Sylphides ont dansé, comme des anges. Dans un paysage romantique, au bord d’un lac et sous des arbres légers, à la Corot, vêtues de jupes toutes simples, toutes blanches, demi-longues, et faisant des plis gracieux, les cheveux séparés en bandeaux plats sur un front ceint d’une modeste guirlande, les aériennes créatures ont déployé les grâces, rétrospectives autant que décentes, d’une chorégraphie où semblaient se mêler aux séductions de l’art le plus rare, les plus chastes attraits de la vertu.

Plus populaire, et plus national encore une fois, était le dernier divertissement, le Festin. Là, comme dans Cléopâtre, un élément, chez nous peu considéré, de la danse, le danseur, a pris une valeur, une beauté même que nous ne lui connaissions pas. Assurément, pour être parfaite et le plus fidèle possible à la nature et à la vérité, l’harmonie des formes visibles a besoin du corps de l’homme, comme le concert des formes sonores a besoin de sa voix. A la danse autant qu’à la musique une basse est nécessaire. Les Grecs l’avaient compris et les Russes continuent de le croire. La basse de leur ballet est admirable de puissance et de fermeté. Lucien décrit en ces termes une danse collective ou chorale à laquelle jeunes gens et jeunes filles prenaient part : « Tous les danseurs se suivent à la file, de manière à former comme un collier ; un jeune homme mène la danse avec des attitudes martiales, du genre de celles qu’il devra prendre à la guerre ; une jeune fille suit avec grâce, donnant l’exemple à ses compagnes, de façon que le collier est tressé de modestie virginale et de force virile. » Tel épisode du Festin n’a pas été loin de rappeler cet antique tableau.


Deux raisons firent de la Flûte Enchantée, à l’Opéra-Comique, une chose fastidieuse, pour ne pas dire pénible : l’une est le rapport, — mal compris et mal réglé cette fois, — des élémens extra-musicaux avec