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REVUES ÉTRANGÈRES

UNE MANON LESCAUT ANGLAISE :
KITTY FISHER


Ladies fair and frail, Sketches of the demi-monde during the Eighteenth Century, par Horace Bleackley, un vol. in-8, illustré ; Londres, librairie John Lane, 1909,


Il y a toujours quelque chose d’étrangement mélancolique, pour le flâneur un peu enclin à la rêverie, dans ces expositions de portraits de jeunes femmes dont la vogue, d’ailleurs très naturelle et très légitime, ne cesse pas de grandir, chez nous, d’année en année. La vue d’un groupe choisi des plus aimables figures d’autrefois, nous souriant avec la conscience du prestige souverain de leur jeunesse et de leur beauté, nous rappelle involontairement qu’un jour a dû venir où jeunesse et beauté ont subi le destin éternel des choses : un jour où les plus charmantes lèvres ont fini de sourire, et où des larmes ont coulé des yeux les plus gais, d’autant plus amères qu’aucune main amie, désormais, ne s’empressait plus à les essuyer. Pendant que nous admirons le talent des peintres et la grâce des modèles, û nous semble que le fond des tableaux s’anime, peu à peu, et que déjà nous y apercevons les deux grandes ombres de la Douleur et de la Mort, debout derrière une proie qui, en effet, ne saurait avoir tardé à leur être livrée. Mais plus vivement encore nous sommes saisis de cette impression d’inquiète tristesse lorsque les portraits qu’on nous montre appartiennent à l’école française de la seconde moitié du XVIIIe siècle, comme faisaient la plupart de ceux qui, jusqu’à ces jours derniers.