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plus souvent électeurs ! — ils s’en plaindront encore davantage.

Il serait trop long de parler de tous les impôts de M. Caillaux. Quelques-uns, comme les impôts sur la vanilline, ou sur les affiches, n’ont qu’un intérêt secondaire. Mais la taxe qui viendra « rectifier, » c’est-à-dire augmenter celle dont sont déjà frappées les essences pour automobiles, portera atteinte à une industrie qui s’est déjà prodigieusement développée chez nous, qui est destinée à se développer encore, et dont le gouvernement devrait encourager l’essor au lieu de le contrarier.

Que dire de la « rectification » du timbre des quittances ? Tout le monde sait que ce timbre est de 10 centimes et qu’il doit être apposé sur toute facture supérieure à 10 francs. C’est là un des impôts qui ont été inventés après la guerre, pour faire face aux charges qu’elle nous avait léguées. Il avait été formellement entendu qu’il serait provisoire, mais il est passé dans les mœurs et il a subsisté parce que personne ne s’en est plaint. Il faut dire, à la vérité, qu’il n’est pas très exactement acquitté, un très grand nombre de paiemens se faisant de la main à la main, sans intervention d’une facture. M. Caillaux s’est demandé pourquoi ne pas imposer l’obligation du timbre aux quittances inférieures à 10 francs. N’y aurait-il pas là une ressource nouvelle ? Elle ne lui a pas paru négligeable et il a décidé que les quittances d’une somme de 2 à 10 francs porteraient un timbre de 5 centimes. Un droit de 5 centimes sur un achat de 2 francs représente 2 et demi pour 100 de la valeur, ce qui est proportionnellement beaucoup et augmentera inévitablement les prix de vente. Mais ne voit-on pas quel dérangement on imposera au vendeur et à l’acheteur pour un bénéfice qui restera médiocre ? Le timbre sur les petites quittances ne passera sans doute pas aussi facilement dans nos mœurs que l’a fait le timbre sur les quittances plus élevées. Ne pas pouvoir acheter une paire de gants de 2 fr. 50, un livre de 3 francs, une cravate de 4, ne pas pouvoir déjeuner ou dîner au bouillon Duval sans payer 5 centimes en surcroit de sa dépense, sera une obligation que sa répétition rendra insupportable. Il est vrai que la plupart du temps il sera facile d’y échapper, et c’est ce que feront sans doute beaucoup d’honnêtes gens qu’on habituera ainsi à frauder le Trésor, sans songer à mal. Il y a deux sortes d’impôts auxquels on est particulièrement enclin à se dérober : ceux qui sont iniques et ceux qui sont vexatoires. L’impôt du timbre n’est pas inique, mais il est vexatoire, et à ce titre, il réserve certainement des déceptions à M. Caillaux.

Qu’on ne croie d’ailleurs pas que l’impôt inique manque à sa collection :