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Il ne connaît pas bien mes intentions sur la question italienne. Il serait trop long ou trop difficile de le mettre au courant de tout. »

Nous parlâmes encore du général Fleury et du colonel Reille. L’Empereur dit : « Non, ils sont trop petits. — Mais, dis-je, sire, vous n’avez personne d’autre. » Alors se relevant, il me dit : « Et si je t’y envoyais ? » Je me récriai sur cette proposition, disant que j’étais peu apte à faire la paix, moi qui étais grand partisan de la guerre, tout en reconnaissant que les lenteurs déplorables mises dans nos préparatifs militaires et maritimes, que l’absence d’un parc de siège considérable, que le peu de ressources militaires trouvées dans la population italienne, que la mauvaise organisation du gouvernement intérieur de la France, que les nouveaux sacrifices en hommes et en argent qu’il fallait demander au pays, que la nécessité de s’appuyer franchement sur l’élément révolutionnaire partout, que l’absence prolongée de l’Empereur à l’armée, que tout cela était des considérations d’une extrême gravité, et qu’en un mot, la mauvaise situation militaire me faisait comprendre les avantages de la paix, mais que j’étais véritablement peu propre à cette mission ; que d’un autre côté, malgré les propositions de l’empereur d’Autriche, je prévoyais certaines difficultés de sa part quand il faudrait signer définitivement ; que ma position de gendre du roi de Sardaigne serait peut-être une humiliation de plus pour l’empereur d’Autriche ; que, n’ayant pas assisté à l’entrevue des deux souverains, je ne pourrais répondre aux objections que l’empereur d’Autriche pourrait élever sur le texte rédigé par l’empereur Napoléon.

Appuyant longuement sur ces divers raisonnemens, je suppliai l’Empereur de me dispenser de cette mission. « Il ne s’agit pas de cela, me dit-il, il s’agit de me rendre un service. Veux-tu le faire, oui ou non ? Je ne puis pas rester dans la position où je suis, il faut que j’en sorte, et je vais écrire à l’empereur d’Autriche. »

Devant un ordre aussi formel et un désir si vivement exprimé, je crus devoir céder. L’Empereur se mit à sa table et écrivit la lettre suivante, dont je n’ai pas le texte, mais dont je me rappelle parfaitement le sens :


« Monsieur mon frère,

« J’ai bien réfléchi aux propositions que Votre Majesté m’a