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l’empereur d’Autriche la remise pure et simple de la Lombardie au roi de Sardaigne, que c’était nécessaire pour l’empereur des Français vis-à-vis de l’Europe et vis-à-vis de l’Italie, afin qu’on ne crût pas qu’il voulait s’arroger un droit quelconque sur cette partie de l’Italie conquise sur l’Autriche. L’empereur d’Autriche, après une assez longue discussion, reconnut cette nécessité, et se résuma ainsi : « La France a conquis la Lombardie qui m’appartient. Je reconnais cette conquête et la cession que l’Empereur en fait à son alliée, c’est tout ce que je puis faire ; mais je ne veux à aucun prix céder quoi que ce soit directement à la Sardaigne. Plutôt que d’accepter cette concession, qui touche pour moi à une question d’honneur, je m’exposerais à toutes les conséquences de la continuation de la guerre. »

« Nous arrivons, ajouta-t-il, à la plus grosse des difficultés, celle des forteresses. Il n’en est pas question dans les préliminaires que nous discutons, et cependant ce point a.été concédé entre l’Empereur et moi ce matin, et l’empereur Napoléon me dit dans votre lettre qu’il accepte mes propositions. » Je répondis que je considérais la question des forteresses de Peschiera et de Mantoue comme une question de détail restant à discuter, que le principe était que, la Lombardie étant abandonnée par l’Autriche, tout ce qui appartenait à ce territoire devait être évacué par elle, comme elle devait garder tout ce qui ferait partie de la Vénétie.

« Ce point est pour moi capital, répliqua l’Empereur, en prenant une carte qu’il déploya devant moi. Je ne l’ai pas dissimulé à l’Empereur. Je ne puis, vis-à-vis de mon armée, lui faire évacuer des places fortes qu’elle occupe. Si vous aviez pris Peschiera, je ne ferais pas de difficulté pour vous le laisser. »

Je fis valoir que les alliés étaient bien prêts à évacuer Modène et la Toscane qu’ils occupaient. Je ne poussai cependant pas à fond cet argument de compensation, prévoyant de grandes objections lorsque nous arriverions à la restauration des ducs de Toscane et de Modène. Je voulus réserver toute la force de mon raisonnement pour ne pas reconnaître à l’Autriche le droit de restaurer ces princes. Ma position pour les forteresses était assez délicate, puisque l’empereur Napoléon les avait en effet abandonnées et qu’en réalité mes efforts tendaient à revenir sur ce qu’il avait promis et que mes instructions portaient de ne pas rompre là-dessus.