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chasser les Anglais, Banerjee prône sans cesse la coopération indo-musulmane. Or, les mahométans, qui sont les moins nombreux, n’éprouvent point un désir immodéré de tomber sous la férule indoue. Ils restent à l’écart du mouvement xénophobe et s’opposent au boycottage des produits britanniques, sans aucune raison de manifester de l’enthousiasme pour l’Angleterre, qui a, jusqu’ici, négligé de les combler de faveurs. Si bien que récemment ce groupe a réclamé de lord Minto la même participation que les Indous aux emplois publics. Mais l’autorité est désarmée, car les examens servent de critérium, et les Indous les passent mieux que les mahométans.

Au commencement de 1909, l’antagonisme indo-musulman a pris un réel caractère d’acuité. Les uns sacrifient des vaches que les Indous révèrent ; les Indous profanent les mosquées. D’où, scènes de pugilat, coups de revolver et bagarres à étendue limitée. Pendant ce temps, on oublie les théories séparatistes. La police et la troupe remplissent un rôle plus aisé : réprimer l’ardeur dans les deux camps. Ces troubles prendraient un caractère très grave, si les indigènes possédaient des fusils et des balles. Aussi l’autorité réprime-t-elle sévèrement l’importation clandestine des armes. Assez souvent, elle saisit en douane des caisses de fusils, étiquetées « machines à coudre, » et des boîtes de dynamite avec la marque « lait condensé. » Mais, combien de ces envois échappent à sa surveillance ! Parfois, les contrebandiers débarquent les colis suspects à Chandernagor, d’où ils passent aisément la frontière. À la demande de la Grande-Bretagne, le gouvernement français a renforcé les mesures restrictives de l’achat et de la détention des armes par les indigènes.

Cet ensemble de faits caractérise l’agitation tumultueuse qui désole, par accès, ce vaste pays. Ce mouvement a des causes ; il a aussi des remèdes.



Les causes du mécontentement et des aspirations séparatistes des Indous sont multiples.

Depuis longtemps, les intellectuels modérés demandent que les indigènes soient traités sur un pied d’égalité avec les Européens, surtout en ce qui concerne la répartition des emplois. Ils réclament en outre une part équitable dans l’administration