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Quelle politique l’Angleterre doit-elle adopter à l’égard des indigènes ? L’aphorisme : « Nous avons conquis l’Inde par l’épée, nous la conserverons par l’épée, » a fait son temps. Il faudrait, semble-t-il, donner plus d’élasticité à la machine administrative et, avec toutes les gradations nécessaires, substituer, à l’autorité inflexible, l’assimilation.

La métropole entre avec prudence dans cette voie, où l’Égypte l’a précédée. À la fin de 1908, sir Eldon Gorst a autorisé la formation du ministère Boutros Pacha, pour donner satisfaction à l’opinion égyptienne et changer le système administratif purement anglais, qui n’a donné que des mécomptes. Cette audacieuse combinaison semblait renverser les rôles, les nouveaux ministres devenant, pour ainsi dire, les inspirateurs des occupans. Il ne s’agit point pour l’Inde d’une réforme aussi radicale, la population de ce pays étant beaucoup moins avancée que celle de l’Égypte.

Avant de songer à toute assimilation partielle, une première tâche s’impose : préparer les natifs par l’éducation. Malgré les déconvenues dont nous avons parlé plus haut, l’enseignement toujours plus largement développé apparaît comme le pivot de la politique anglo-indienne.

Question des plus délicates, qui consiste à prendre corps à corps ce problème si complexe : adapter les méthodes à la mentalité indigène, dans les trois cycles, primaire, secondaire et supérieur. C’est une véritable énigme à déchiffrer, comprenant : la constitution des programmes, l’inspection très stricte des écoles, la sélection des professeurs et des maîtres ; mais, d’abord, la fixation d’une limite, puisque ces intelligences n’assimilent pas convenablement ce que nos cerveaux d’Occident absorbent sans difficulté : tout ce que les jeunes Indous apprennent à l’étranger se superpose à leurs propres idées. Cette question réclame beaucoup de tact et de doigté.

Nous savons par expérience quelle prudence exige l’initiation des Extrême-Orientaux aux civilisations européennes, combien il est difficile de réaliser l’Entente cordiale, à ce point de vue, entre des régions si différentes. Chaque année, un groupe d’Indo-Chinois débarquait à Marseille, pour étudier notre commerce, notre industrie, nos finances, et l’on attendait de cette mesure les plus heureux résultats. C’est le contraire qui s’est produit. Ces privilégiés, n’apercevant que la surface des choses,