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l’abbé Xaupy, docteur de la Faculté de médecine, et trois autres médecins encore, Falconnet, Firmin et Devaure ; les deux Sainte-Palaye, frères jumeaux ; trois académiciens, Mairan, Foncemagne et Mirabaud ; des gentilshommes gens de lettres, Pont de Veyle et d’Argental, ce dernier ministre du duc de Parme. Tout ce monde avait beaucoup d’esprit, au point d’en effrayer Piron. « Annoncez bien une bête à Mme Doublet, écrit-il à l’abbé Legendre, et j’y serai bon. »

Au début les femmes étaient exclues de la Paroisse. Mme Doublet obtint qu’elles y fussent admises : Mme du Bocage, Rondet de Villeneuve, de Besenval et d’Argental. Mme d’Argental était charmante, vive, active, avec une petite tête d’homme d’Etat et… d’homme d’affaires. « Mes anges, » disait Voltaire en parlant d’elle et de son mari.

Les initiés arrivaient à la même heure dans la grande « salle de compagnie. » Ils y trouvaient vingt-neuf chaises couvertes de panne cramoisie, rangées le long du mur, chacune sous un portrait : les portraits des vingt-neuf paroissiens. Celui de Bachaumont était un pastel de La tour, celui de Mme Doublet la représentait avec sa sœur, Mme Crozat, il était l’œuvre du vieux de Troy. Les Paroissiens prenaient place, chacun sur le siège posé sous son image. Au milieu de la salle, une table de marbre et, près de la porte d’entrée, un bureau sur lequel s’ouvraient deux grands registres : les deux fameux registres de Mme Doublet. Et chacun, par ordre, de produire ce qui était venu à sa connaissance. Toutes les nouvelles étant mises sur le bureau, comme disaient les « nouvellans » des Tuileries, on les examinait. Et, après que ces informations avaient été passées au crible de la critique, elles étaient mises par écrit sur les registres, réservés, l’un aux nouvelles reconnues certaines, l’autre aux nouvelles douteuses. De là s’envolaient ensuite des copies, pour se répandre dans Paris, dans les provinces, par-delà les frontières. Et si grande ne tarda pas à être l’autorité acquise par ce bureau d’informations, que les gens demandaient, par manière de précaution, quand on leur apprenait quelque événement :

— Cela sort-il de chez Mme Doublet ?

La séance terminée, les Paroissiens passaient dans la salle voisine, où leur était servi un souper de choix, par les soins du président de Bachaumont. Les lettres de Mme Doublet à Mme de Souscarrière nous montrent les gais Paroissiens tumultueusement