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groupés autour de la longue table, faisant honneur aux lapereaux de Breuillepont « saupoudrés de serpolet du pays, » que leur présentait La France, laquais de Bachaumont.

Ces « cabinets » de nouvellistes existaient dès le XVIIe siècle. La Bruyère en parle dans ses Caractères. L’Académie française elle-même est née d’une société de nouvellistes que Richelieu couvrit de son manteau rouge, et cela est si vrai que, à l’origine, on la nommait l’« académie gazétique. »

Les premières feuilles de nouvelles, qui sortirent du « cabinet » de Mme Doublet, datent de 1737. Ce ne furent d’abord que de simples lettres adressées à des parens, à des amis et contenant des nouvelles, les nouvelles recueillies et commentées dans les réunions des Filles-Saint-Thomas. Correspondance qui prit progressivement un caractère plus régulier, si bien que, en lançant sa fameuse circulaire, par laquelle il annonçait la création d’un service régulier de gazettes manuscrites, Bachaumont ne fit, en 1740, que consacrer la publicité et assurer la fixité d’une organisation qui fonctionnait depuis plusieurs années :


Un écrivain connu entreprend de donner, deux fois chaque semaine, une feuille de nouvelles manuscrites… Un recueil suivi de ces feuilles formera proprement l’histoire de notre temps. Il sera de l’intérêt, à ceux qui la prendront, de n’en laisser tirer de copie à personne et d’en ménager même le secret, autant pour ne pas les avilir en les rendant trop communes, que pour ne pas se faire de querelles avec les arbitres de la librairie. A chaque ordinaire, à ceux qui voudraient la prendre, elle sera payée sur-le-champ par le portier, afin qu’on ait la liberté de l’abandonner quand on n’en sera pas satisfait.


L’« écrivain connu, » de qui parle Bachaumont, paraît bien avoir été l’abbé Prévost ; mais le célèbre romancier ne put se consacrer longtemps aux « manuscrits » de Mme Doublet, ayant été obligé, en décembre 1740, de mettre la frontière entre la police et lui, et précisément pour cause de nouvelles.

Pour compléter leurs informations, les Paroissiens avaient des correspondans en province, voire à l’étranger. Du camp du Roi arrivaient des dépêches signées de MM. de Montesquiou et de Voisenon. Peut-être même Bachaumont et ses amis avaient-ils noué des relations avec les cercles de nouvellistes, semblables au leur, qui, à la même époque, se tenaient dans les provinces, notamment à Dijon.

Des valets recopiaient tout ou partie du grand registre réservé