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il a publié plusieurs ouvrages d’érudition, dont le plus important, Nordens Mythologi (1808), lui vaut la célébrité. L’antiquité « s’est emparée de lui, » elle imprègne ses croyances et lui inspire, dans une série de poèmes nationaux[1], les accens du plus noble lyrisme. Il n’est pas un pur artiste ; il n’a ni l’oreille délicate, ni le goût infaillible ; mais il excelle à faire revivre le passé dans ses vers vigoureux et rudes et à en dégager les traditions et l’esprit. Sa poésie est « au service de la religion et de l’éducation nationale. » Moins classique que son prédécesseur, il est plus puissant : « Ses poésies nordiques, dit un Danois, sont de granit auprès du marbre d’Œhlenschlæger ; sa harpe a des cordes d’acier. » L’un et l’autre font école ; à partir de 1825, on voit s’épanouir en Danemark toute une floraison poétique qui, sortie d’Œhlenschlæger et de Grundtvig, prend son inspiration dans le vieux fonds des légendes Scandinaves et prêche au pays, avec l’amour du passé, le sens de l’unité de la race, le respect du patrimoine ancestral et le culte des gloires danoises. L’âme populaire, encore ébranlée des récens désastres de la patrie, vibre avec émotion à la voix enflammée des oracles qui lui montrent le chemin ; les consciences se recueillent, le sentiment national se régénère et avec lui renaît tout ce que ce sentiment comporte de légitime orgueil, d’espérance et d’énergie féconde : et, dès le milieu du siècle, on pourra voir le peuple danois, redevenu lui-même, forcer l’admiration de ses adversaires, dans une lutte inégale, par sa fière hauteur d’âme et son héroïque intrépidité.

La réaction « nationale » s’accompagna d’une réaction religieuse, dirigée contre le rationalisme du XVIIIe siècle comme la première l’avait été contre le cosmopolitisme. Le rationalisme, en effet, régnait presque souverainement dans l’église officielle danoise il y a une centaine d’années ; ce n’est que chez les Piétistes, épars dans le pays, exclus de l’église officielle, en butte à ses vexations comme à celles de l’autorité civile, qu’on pouvait encore trouver des signes d’une vie religieuse ardente : leurs « réunions dévotes » ou collegia pietatis devaient plus tard donner naissance à un mouvement destiné à prendre une influence considérable en Danemark, à ce qu’on appelle aujourd’hui la « Mission intérieure. » Contre le rationalisme dominant, deux

  1. Le plus connu a pour titre : Les derniers exploits des héros du Nord (Optrin af kæmpelivets Undergang i Nord), 1809.