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brèves indications, témoignent suffisamment et du goût du peuple pour l’instruction et de l’état avancé de l’enseignement public élémentaire en Danemark.

Aussi bien cet enseignement a-t-il pu faire beaucoup, et a-t-il en vérité fait beaucoup, pour le développement national danois. Mais pouvait-il, avec son cadre limité, ses formes nécessairement rigides, son caractère officiel et systématique, servir d’instrument à l’œuvre profonde, immatérielle et tout intérieure de rénovation psychologique entreprise par Grundtvig et ses amis ? L’école publique donne l’instruction, l’éducation lui échappe en grande partie : elle apprend les élémens, elle ne forme pas l’esprit, même lorsque, par les cours du soir et la « persévérance, » elle s’adresse spécialement aux adultes ou aux jeunes gens. Organisme d’État, elle n’est pas faite pour une pareille œuvre, elle n’est pas armée pour un pareil combat.

Le vrai facteur du relèvement, c’est Grundtvig lui-même qui l’inventa et le créa de toutes pièces, en dehors de l’intervention de l’Etat et par les seuls moyens de l’initiative privée. Ce fut l’« Ecole supérieure populaire, » la Folkehœjskole, que les Danois eux-mêmes caractérisent aujourd’hui encore comme « la partie la plus originale de la civilisation danoise : » école « populaire, » et surtout paysanne, puisque le Danemark est avant tout un pays rural ; école « supérieure, » qui s’adresse non plus aux enfans, mais aux jeunes gens et aux jeunes filles, car, selon Grundtvig, « le temps de la jeunesse proprement dite (de dix-huit à vingt-cinq ans) est la période de la vie où l’individu est le plus impressionnable et le plus instruisable (sic). » Par cette école, Grundtvig visait à un but non d’instruction, mais d’éducation populaire, il voulait travailler non pas, — ou non pas seulement, — le cerveau, mais l’esprit et le caractère de chacun, il voulait donner à la classe rurale un certain degré de culture mentale et morale sans la déclasser (nous verrons plus loin comment il y a réussi). L’école Grundtvig devait avoir, comme avait la vie de Grundtvig lui-même, une base tout ensemble religieuse et nationale. Elle devait susciter « un esprit d’héroïsme chrétien, » selon le mot du maître ; elle devait, par l’étude du passé, de la langue maternelle et des trésors littéraires de la race, nourrir le plus pur sentiment patriotique, elle devait « tourner le cœur des enfans vers leurs pères et celui des pères vers leurs enfans, » pour aider les uns et les autres à « préparer, sur la base