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montés sur leurs plus beaux chevaux. Et lorsque le cardinal franchit la Porte Romaine, les cloches se mirent à sonner et toute la population, massée sur son passage pour recevoir sa bénédiction, l’accueillit aux cris de : « l’une ! l’une ! » qui était la devise des Piccolomini, par allusion aux croissans dont leur stemma était chargé.

Dans son palais de San Vigilio, où le cardinal s’était rendu, eurent certainement lieu de graves conversations au sujet de cette ambassade et de la conduite à conseiller aux Siennois vis-à-vis du Roi de France ; les interlocuteurs obligés en devaient être André, frère du cardinal, et aussi le précepteur Tizio, qui, vivant depuis plus de dix ans dans la famille, y avait son libre parler, et était non moins attaché à la fortune de la maison que s’il en eût fait réellement partie.

André, non moins ambitieux que son frère de voir la tiare pontificale orner encore une fois la famille, était un prudent personnage qui cherchait à maintenir à Sienne le crédit des Piccolomini par sa richesse, les constructions grandioses qu’il entreprenait, et ses idées conciliatrices ; mais, se tenant le plus possible en dehors des querelles des partis, il prenait à tâche de les modérer par ses conseils. Il fut peut-être, à cette époque, et dans cette cité, l’unique Siennois à ne pas faire de politique, et capable de refuser, — comme il fit, — les très hautes fonctions de capitaine du peuple, pour ne pas se compromettre par les inévitables exécutions auxquelles elles l’eussent contraint.

Sigismond Tizio, doctor ac presbyter, et « mauvaise langue, » ainsi qu’il se qualifie lui-même, est surtout un bavard ; à l’affût des nouvelles du monde entier, il les traduit chaque jour dans un latin de cuistre, pour en composer une histoire de son temps, précieuse par ses caquetages sur toutes choses[1].

Grâce à ce que nous savons du caractère des trois personnages, et aussi à ce « diaire » de Tizio, le thème de la conversation n’est pas difficile à reconstituer :

Oh ! si le cardinal pouvait la mener à bien, cette délicate ambassade ! détourner de l’Italie ce fléau, ce conquérant barbare, sauver le Saint-Siège de cette affliction ! quel éclat nouveau sur le nom des Piccolomini ! quel chemin franchi vers le trône pontifical !

  1. Historiæ Senenses, 7 vol. in-fol. mss. Bibliothèques de Sienne et Chigiana à Rome.