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Les Petrucci et le parti des « Neuf, » depuis leur résolution prise de ne rien refuser au Roi, avaient déployé le plus grand zèle pour sa réception, et n’avaient rien épargné pour flatter sa vanité, craignant que la ville lui restât suspecte pour sa politique jusque-là douteuse et sa réputation de vieille ennemie de la maison d’Anjou.

Et comment ne pas se montrer prévenans vis-à-vis de gens qui ont installé une si effroyable artillerie dans vos murs ?

Par honneur on avait jeté bas les battans de la porte Camollia, et tout un pan de muraille, afin que le Roi ne pût conserver une arrière-pensée sur la soumission des habitans ; et, à l’entrée, on avait apposé cette inscription : Venite tandem, Rex Franciæ Christianissime, cui nostræ ultro patent januæ. (Entrez donc, ô Roi Très-Chrétien, nos portes tombent d’elles-mêmes devant vous.) Des arcs de triomphe avaient été dressés sur le parcours que le cortège devait suivre pour se rendre à la cathédrale : le premier portait deux statues, l’une de Charlemagne, l’autre de Charles VIII lui-même, faisant face au grand empereur.

On était en hiver, mais le temps, très beau, favorisait la marche du Roi : il s’était arrêté toute la journée du dimanche 1er décembre à San Casciano, pour y entendre les offices, et en repartit le lendemain pour Sienne. Il arriva à la porte Camollia un peu avant la nuit. Il était précédé de hérauts, du grand prévôt et du grand écuyer qui tenait l’épée royale, et entouré de pages en livrées ornées de ses initiales entrelacées à celles de la Reine ; sous un dais superbe, chargé d’écussons aux armes de France et de Bretagne, il s’avançait majestueusement, monté sur un magnifique cheval noir ; il portait une armure resplendissante d’orfèvrerie, de perles et de pierreries, et, par-dessus, une jaquette de brocart d’or, et un manteau de velours bleu ; sur la tête, un grand chapeau blanc à plumes noires, surmonté de la couronne royale.

Sur le « Prato de Camollia, » entre l’avant-porte et celle de l’enceinte, le capitaine du Peuple, la Balia, et toutes les magistratures attendaient le souverain, et les plus belles tentures avaient été déployées pour parer cette première halte. Partout on voyait la Louve siennoise, emblème de la Cité, et l’inscription rappelant que la vieille république était sous la protection de la Vierge : Sena Vetus Civitas Virginis !

Et au-dessus de la porte, au milieu d’un groupe d’anges et