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qui vise plus haut. Il s’agit de prouver à la France qu’alliances, ententes et amitiés sont de nulle valeur et de nul effet quand l’Allemagne y fait obstacle, de briser ainsi les combinaisons récentes et d’affirmer sur leurs ruines la prépondérance persistante de la politique allemande. Là sont les causes premières de la formidable campagne diplomatique menée par l’Allemagne contre la France, du printemps de 1905 au printemps de 1906.

Lorsque, le 8 avril 1906, les plénipotentiaires de treize puissances apposèrent leur cachet sur l’Acte final qui enregistrait, après trois mois d’effort, les décisions de la conférence d’Algésiras, l’Allemagne fut obligée de constater que ce qu’elle avait voulu détruire était plus fort qu’elle ne croyait et que l’Europe, fermement attachée à son équilibre récent, n’était pas disposée à subir la loi de Berlin. De l’« occasion » marocaine, que restait-il ? Sans doute la France avait dû accepter l’intervention des puissances dans l’élaboration du programme de réformes qu’elle avait, l’année précédente, proposé au Maghzen. Mais ce programme sortait des délibérations de la conférence analogue à ce qu’il était douze mois plus tôt dans les instructions de M. Saint-René Taillandier. Et en vue de son exécution, la France et l’Espagne obtenaient de l’Europe un privilège exclusif, qui fermait l’Empire chérifien aux visées politiques des pangermanistes. D’autre part, les combinaisons diplomatiques auxquelles s’était attaquée la force allemande s’étaient maintenues ou même resserrées. L’alliance franco-russe avait joué normalement, assurant à la France l’appui diplomatique entier de la Russie. L’amitié franco-anglaise s’était vivifiée, dans l’action, d’un souffle de solidarité. Nos relations avec l’Espagne et l’Italie étaient demeurées amicales. Les États-Unis avaient soutenu notre cause. L’Autriche elle-même, tout en méritant le titre de « brillant second, » ne s’était pas interdit une action médiatrice qui était d’un arbitre plus que d’un second.

L’Allemagne, certes, n’était point isolée, car la Triplice demeurait solide. Elle n’était même pas diminuée, car la menace lui avait suffi pour déchaîner sur l’Europe une crise diplomatique, la plus intense à laquelle on eût assisté depuis le Congrès de Berlin. Elle n’en mesurait pas moins la limite de son pouvoir. Au Reichstag, M. Bassermann, d’ordinaire plus optimiste, enregistrait un échec, que la presse libérale soulignait à