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DE LA DÉMOCRATIE DANS LA BRUYÈRE





M. Maurice Lange vient de publier un intéressant volume sur La Bruyère critique des conditions et des institutions sociales[1], c’est-à-dire sur La Bruyère démocrate et un peu sur La Bruyère socialiste.

Les conclusions qui en ressortent le plus lumineusement, c’est que la Révolution française a été préparée par les prédicateurs du XVIIe siècle, — et que La Bruyère était surtout un envieux. Arrêtons-nous un instant sur ces deux paradoxes.

La Révolution française a été préparée par les sermonnaires catholiques du XVIIe siècle ; car elle l’a été par La Bruyère, et La Bruyère n’a guère été que le vulgarisateur ou le propagateur laïque des sermonnaires catholiques du XVIIe siècle. Que disent en effet ces sermonnaires ? Ils sont réformistes, ils sont démocrates, ils sont anticléricaux, ils sont socialistes.

Ils sont réformistes. Contre l’hérédité des charges de la magistrature ils disent ; le Père Dorléans : « Qui a mis cette charge de judicature sur les épaules de ce juge ignorant, qui y fait tous les jours tant de fautes ? L’avarice d’un père et d’une mère. Il y avait une charge dans la maison ; on ne savait peut-être pas trop bien que faire de l’homme, ni de la charge : on a chargé le public de l’un et de l’autre. »

Le Père Bourdaloue : « Ce jeune homme est de telle famille où telle dignité est héréditaire : de là son sort est décidé ; il faut que le fils succède au père. Et de cette maxime que s’ensuit-il ? Vous en êtes tous les jours témoins : c’est qu’un enfant, à qui

  1. Un vol. in-8o ; Hachette.