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rompre le concert européen. Puis, quand, le 14 septembre, fut remis à Berlin le projet de note franco-espagnole, l’accueil le plus courtois lui fut réservé. Dans sa réponse, le 22 du même mois, le gouvernement allemand se borna à formuler des observations de détail, auxquelles, le 19 octobre, les Cabinets de Paris et de Madrid répondirent par une rédaction nouvelle qui fut, le 28, acceptée par l’Allemagne. On venait donc, cette fois encore, d’éviter l’écueil toujours menaçant. Mais la crise, que tous prévoyaient, n’en était pas moins imminente, prête à s’ouvrir sur un autre point, avec un éclat alarmant.

Ce que fut l’incident de Casablanca, on s’en souvient : car il est d’hier. Des déserteurs de la légion étrangère, dont les uns étaient Allemands, les autres Russes, Suisses et Autrichiens, avaient reçu du Consulat d’Allemagne des sauf-conduits. Le secrétaire de ce Consulat, M. Just, voulut les faire embarquer sur un paquebot allemand. Les autorités militaires françaises s’y opposèrent. Une rixe s’ensuivit, au terme de laquelle force resta à nos soldats. C’était une médiocre querelle. Mais ces sortes de conflits valent ce que vaut l’esprit dans lequel on les traite. Et, des deux côtés des Vosges, l’esprit public, par un progrès continu, était monté au point de tension des années précédentes. De plus, en Allemagne, l’interview de l’Empereur dans le Daily Telegraph, les attaques provoquées par elle contre le pouvoir personnel, les griefs de Guillaume II contre le chancelier, l’instabilité du présent et l’insécurité du lendemain contribuaient à créer une émotion qui se prêtait mal à l’examen réfléchi d’un cas regrettable, bien que secondaire. Après une première conversation avec notre ambassadeur, M. de Schoen proposa de recourir à un arbitrage, que M. Pichon accepta aussitôt. Mais, le lendemain, du côté allemand, on parut regretter cette offre et revenir en arrière. On maintint, ne pouvant la retirer depuis l’acceptation française, la proposition d’arbitrer le litige, mais en l’entourant de conditions inacceptables, en demandant que le compromis fût accompagné de l’expression de doubles regrets, la France exprimant ses regrets pour l’atteinte portée par ses agens aux prérogatives consulaires allemandes, l’Allemagne exprimant les siens pour la remise des sauf-conduits à des personnes qui n’y avaient manifestement pas droit.

C’est sur cette question des regrets que, du milieu d’octobre au début de novembre, se concentra la discussion. Le gouver-