Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 52.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Empire chérifien, naguère objet quotidien de litiges, est devenu désormais objet d’entente. Et, s’il subsiste encore des raisons générales qui puissent éventuellement opposer la France à l’Allemagne, c’est un résultat précieux que d’avoir écarté du champ des différends éventuels cette « occasion » marocaine, qui, pendant cinq années, avait été des deux parts si largement utilisée.


III


Le problème marocain a tenu trop de place dans les relations franco-allemandes pour n’avoir pas à l’excès retenu l’attention publique. On s’est accoutumé à penser que les affaires marocaines épuisaient les relations franco-allemandes, qu’elles en étaient le tout, et l’on a trop souvent perdu de vue les événemens d’un autre ordre qui ont agi sur ces relations. Il est nécessaire d’en tenir compte pour donner son sens exact à la situation des deux pays. De même que la crise marocaine avait été moins une cause qu’un effet et s’était développée en fonction de la politique générale de l’Europe, de même, c’est dans le milieu européen qu’il convient de situer l’apaisement qui, cette année même, a résolu cette crise. La défiance et la susceptibilité qui, en 1906, 1907 et 1908, ont caractérisé les relations marocaines de la France et de l’Allemagne, ne s’expliquent pas seulement par des circonstances locales. Elles se rattachent aussi aux dispositions que les deux partenaires portèrent pendant cette période dans la direction de leur politique générale. Il en est de même de la tendance nouvelle qui se manifeste depuis cinq mois.

La conférence d’Algésiras avait opposé l’un à l’autre deux puissances et deux systèmes, la France et l’Allemagne, la Triple-Alliance et la Double, celle-ci complétée désormais par les ententes occidentales. Au lendemain de cette conférence, les adversaires, chauds encore de la lutte récente, se fussent vainement attachés à une réconciliation. Leur souci dominant ne pouvait être que de préparer leurs armes pour les rencontres futures. Loin d’arrondir les angles, on tendait à les accuser ; à rendre visibles, sinon menaçantes, les ressources dont on disposait de part et d’autre ; à ranimer, fût-ce par la manière forte, les fidélités hésitantes. C’était le temps où Guillaume II, dans son voyage