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étrangère. Les projets des Espagnols à Melilla étaient sans doute aussi limités que les nôtres à Casablanca : la preuve en est dans l’insuffisance de leurs troupes pour une entreprise de quelque étendue. Mais ils ont maintenant une leçon à infliger à leurs agresseurs. Nous n’avons pas de conseils à leur donner sur la manière d’opérer ; ils connaissent militairement, beaucoup mieux que nous, les environs de Melilla où ils ont fait déjà plusieurs expéditions ; ils n’ignorent pas que le Riff est un des pays les plus difficiles à aborder et à pénétrer du Maroc et que ses habitans sont des montagnards particulièrement belliqueux. Aucune analogie n’existe entre la Chaouïa, qui est un pays plat, facile et fertile, et le Riff, qui est un pays montagneux, dur et pauvre : les Espagnols, s’ils voulaient y pousser un peu loin leur marche, y trouveraient plus de difficultés que nous n’en avons trouvé dans la nôtre. Ils sont très à même d’y faire face, cela va sans dire : la seule question est de savoir si l’effort à accomplir vaut le résultat à obtenir. De quelque façon qu’ils la résolvent, les Espagnols peuvent être assurés de notre sympathie. Nous la leur avons témoignée déjà en retenant en Algérie les habitans du Riff qui y étaient passés pour les travaux de la moisson, et nous continuerons dans un sentiment de solidarité civilisatrice. Nous poursuivons, en effet, la même œuvre au Maroc, les Espagnols et nous, dans les limites que l’acte d’Algésiras nous a fixées aux uns et aux autres et que nous avons acceptées.

Quant à l’explosion de Barcelone, elle est terminée, mais elle a été effroyable. On dit que le feu couve encore sous la cendre et qu’il pourrait bien reprendre aussi subitement que la première fois : il semble cependant peu vraisemblable que l’énergie de la répression n’ait pas découragé les révolutionnaires anarchistes, dont un grand nombre sont morts ou prisonniers. Que voulaient-ils ? On n’en sait rien ; peut-être n’en savaient-ils rien eux-mêmes ; ils n’ont formulé aucun programme et n’en ont d’ailleurs pas eu le temps. Ils n’ont vu qu’une chose, à savoir que l’envoi d’une partie des troupes de Barcelone au Maroc produisait dans la ville une irritation violente et la dégarnissait des forces militaires capables de la contenir. A un moment, cette ville de plus de 300 000 âmes n’a été défendue que par 3 000 soldats. Aussitôt les anarchistes ont proclamé la grève générale qui s’est rapidement transformée en émeute, accompagnée de fusillades et d’incendies. Le caractère peut-être le plus tranché de cette émeute a été la destruction des couvens, qui sont extrêmement nombreux à Barcelone. Un grand nombre ne sont plus que des décombres. Les couvens de femmes ont le plus souffert, et il semble, d’après les