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les dieux de toutes les nations ; mais non pas une doctrine qui précisément proclamait tous les dieux, excepté le sien, comme non existans et qui par conséquent, niant les Dieux de Rome, niait Rome elle-même ; et c’est ainsi que philosophes pour Athènes et chrétiens pour Rome n’étaient pas autre chose, quoi qu’ils en pussent dire, que des séditieux et des perturbateurs et poursuivis à ce titre, mais uniquement à ce titre.

Platon, ayant présenté l’immortalité de l’âme comme une hypothèse, aurait été proscrit par Jean-Jacques Rousseau, se conformant strictement à la doctrine athénienne et à la sienne propre. Que si l’on me dit qu’une religion d’Etat qui force les citoyens, comme citoyens, à la professer et qui examine ensuite la conduite des citoyens pour savoir s’ils la professent en effet, comme Calvin à Genève, et qui menace de mort ceux qui ne se conduisent pas selon cette religion, ne peut réussir qu’à former d’abominables hypocrites par terreur, Rousseau répondrait peut-être : comme homme religieux et comme moraliste, j’en suis navré ; mais, encore une fois, ce n’est pas comme homme religieux et comme moraliste que j’institue une religion civile ; c’est comme citoyen, c’est comme législateur ; or, au point de vue civil et civique, ce n’est pas la conviction intime qui importe, c’est la pratique ; ce que je veux, c’est, d’une part, des hommes qui pratiquent les mœurs sociales et qui en donnent l’exemple ; d’autre part des hommes qui, au moins, n’offensent pas les mœurs sociales et qui ne donnent pas l’exemple du contraire ; des vertueux bons semeurs et des médians inoffensifs, voilà ma cité ; mon chancelier, qui s’appelle, je crois, M. de Robespierre, vous dira le reste. — Je prête peut-être un sophisme à Rousseau ; mais il n’en est pas à un près. — Tout ceci soit dit, je le répète, non pour approuver, mais pour expliquer. Il faut comprendre l’âme d’un fanatique, pour ne pas devenir tel, et d’abord, parce qu’il faut tout comprendre.

M. Rodet, voulant être complet, a étudié toute la politique internationale de Rousseau, tout ce qu’il a écrit sur le droit des gens ; mais ici les idées de Rousseau, quoique toujours intéressantes, sont si confuses, que pour aujourd’hui, du moins, je ne suivrai pas M. Rodet dans cette enquête, tout en le félicitant très haut de l’avoir faite.

Il a étudié aussi le féminisme dans Rousseau ; c’est-à-dire, comme sans doute vous vous y attendiez, qu’il n’y en a pas rencontré