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Les résultats de cette inspection officieuse, notés exactement, sont intéressans à conserver.

Pont arrière, bâbord. On y dresse les épontilles de la petite passerelle : 2 ouvriers sur 4 sont assis ; ils ne font absolument rien. Lorsque j’apparais, ils se relèvent et prennent une attitude maladroitement affairée. Aussitôt passé, je les entends faire des gorges chaudes. Ils pensent que je n’ai osé rien dire, ignorant que je n’ai, en effet, le droit de rien dire.

Pont avant. Un ouvrier armé d’une perceuse électrique semble placé là pour percer dans le pont les trous qui correspondront à ceux de l’embase du chemin de fer de la chaîne d’ancre de bâbord. Pour l’instant, cet ouvrier ne fait rien. J’attends. Au bout de quelques minutes, voici venir un deuxième ouvrier, marchant à pas comptés. Il tient une palette dont le bout porte un peu d’axonge, qu’il considère avec satisfaction et importance. Il graisse certaines parties de la dynamo réceptrice. Pendant ce temps, le premier ouvrier se lève, va modifier les points de suspension de la perceuse et reprend toute l’assiette, assez compliquée, de son outil : tâtonnemens nombreux, longs ; physionomies préoccupées... Après dix bonnes minutes, la perceuse, enfin, se met en marche. Crac ! Interruption... Cette fois, c’est le courant qui ne passe pas : encore quelques minutes perdues. Reprise, puis ralentissement très marqué. Agacé, j’interroge. Oh ! très grand empressement à me répondre : les deux ouvriers se lèvent ensemble pour m’expliquer que le courant leur fait souvent de ces niches, que le fonctionnement en est très irrégulier. Et pourquoi ?... — Ils n’en savent rien. C’est ainsi...

Tout à côté, deux autres ouvriers sont accroupis sur le pont : l’un d’eux rogne le bord d’une plaque de tôle d’acier gauchie qui renforce l’écubier ; l’autre regarde.

Je me retire et je grimpe, en passant par le mât militaire, sur la passerelle supérieure avant. De là, un instant retourné, je revois mes quatre ouvriers du pont. Le dernier, celui qui « regardait, » a rejoint les deux perceurs qui, du coup, ne font plus rien, — le courant ne va plus, sans doute, — et tous les trois sont engagés dans une vive causerie, ponctuée de gestes et de hochemens de tête. On commente ma visite et mes questions. Mais voilà que, tout d’un coup, on m’aperçoit. Sapristi !... Le délinquant se hâte de regagner son poste, où il ne faisait rien, mais du moins