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regardait faire. La perceuse ronfle. Tout va bien. Aussitôt que j’aurai tourné le dos, on prendra un petit repos bien gagné.

Mais derrière moi, sur la passerelle inférieure, j’entends un grand bruit de tôle qui ondule et qui vibre... Je descends vite et je tombe sur six ouvriers qui s’amusent à sauter à pieds joints sur la tôle de parquet, tôle légère et qui n’est pas assez épontillée. C’est très amusant, ce tremplin improvisé... Mais, patatras ! voilà le commandant, l’empêcheur de danser en rond, c’est le cas de le dire. Le groupe se dissout. Deux ouvriers seulement restent là et reprennent un rivetage depuis longtemps sans doute interrompu. Cependant un troisième, une forte tête (qui sait ? du Syndicat, peut-être...), le premier moment de surprise passé, se rapproche et regarde les riveurs, nonchalamment appuyé à une échelle. Ce travailleur tient à établir son droit à ne pas travailler. Je me plante devant lui, je le fixe dans les yeux. Il se retire en secouant les épaules. Voilà tout ce que je puis faire et je commence à exceller dans ce rôle de « statue du commandeur. » Encore la statue parlait-elle à l’occasion.

Il est vrai que j’ai le droit de me renseigner, si je n’ai pas celui de faire des reproches. J’avise un des six ouvriers, et justement, c’est le chef de groupe, le « chef ouvrier, » pauvre diable de chef, qui tremble devant ses subordonnés : « Je vois, lui dis-je, que cette tôle n’est pas encore rigide... — Hé oui, commandant, il manque une cornière en dessous. — Et vous êtes chargé, vous et vos hommes, de vous assurer qu’elle se gondole quand on pèse dessus ?... »

Il ne comprend pas l’ironie de ma question et s’embarque dans une explication qu’il croit technique. Je le laisse là.

Au-dessous de ce groupe, si bien dirigé, les ouvriers de la direction de l’artillerie, effectivement surveillés par un brave homme que j’ai déjà remarqué, s’occupent avec une certaine activité de la mise en place d’un affût. Mais, pas trop d’illusions ! Si j’allais de ce pas dans les casemates blindées, où les ouvriers de la même direction sont censés travailler aussi, je constaterais que « le chat parti, les souris dansent. » Pourtant, dans l’ensemble, le rendement des ouvriers civils de la direction de l’artillerie semble être un peu meilleur que celui de leurs camarades des constructions navales. Je n’en distingue pas bien la raison.

Faut-il continuer maintenant ? Noter ce que j’ai vu dans les batteries, dans l’entrepont cellulaire ? A quoi bon ? C’est à peu