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Les chiffres primitifs de M. Lloyd George ont été modifiés et abaissés sur quelques points ; mais les principes de son budget sont restés les mêmes et pour allécher les communes et les intéresser au succès de la réforme, le chancelier de l’Échiquier a décidé de leur abandonner une partie du produit des nouveaux impôts, ou du moins de certains d’entre eux. Tout le monde a compris, tout le monde a dit en même temps, les uns pour s’en réjouir, les autres pour s’en affliger et s’en alarmer, que c’était là le premier budget socialiste qui avait été présenté en Angleterre. Le pays s’est aussitôt partagé en partisans et en adversaires et une grande bataille a commencé, une de ces batailles comme on les fait en Angleterre, avec verve, avec passion, avec emportement de part et d’autre, au moyen des argumens les plus gros et les plus forts, sans autre souci que celui de vaincre, à quelque prix que ce soit.

Le budget de M. Lloyd George, est actuellement discuté par la Chambre des Communes et sera certainement voté par elle : le parti libéral y dispose toujours, malgré les pertes qu’il a faites depuis les élections dernières, d’une majorité qui ne laisse aucun doute à cet égard. Mais que fera la Chambre des Lords ? Ses pouvoirs en matière fiscale sont très limités, et ils ont été réduits par l’usage à un tel point qu’on peut presque les considérer comme nuls. Mais aux grands maux les grands remèdes ; à une situation révolutionnaire, il faut opposer des moyens exceptionnels. Dans la bataille dont nous avons parlé, lord Lansdowne a tiré le premier coup de canon, a lancé le premier défi en disant, le 18 juillet dernier : « L’unité nationale est en danger. La Constitution est en péril. Le droit qu’ont les citoyens anglais de compter sur une certaine justice est menacé. Les fondemens mêmes de la société sont ébranlés... Vous verrez, quand l’heure sera venue, qu’il n’est nullement probable que la Chambre des Lords proclame que ce projet de loi n’engage point sa responsabilité, et que, parce qu’il touche aux intérêts financiers du pays, nous sommes obligés de l’avaler intégralement. » Aussitôt les ministres eux-mêmes sont entrés en campagne. Le président du Conseil, M. Asquith, M. Wiston Churchill, M. Lloyd George enfin se sont fait entendre dans diverses réunions. Ils ont relevé le gant que leur avait jeté lord Lansdowne, et ont foncé contre l’aristocratie et contre les riches avec une ardeur, une véhémence, une violence qui, de la part de membres du gouvernement, sont chose nouvelle en Angleterre. M. Wiston Churchill s’est naturellement distingué dans ces corps à corps. On connaît son genre oratoire. Il a pris à partie son cousin, le duc de