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En février 1875, Thiers prédisait encore une fois la dissolution prochaine de l’Assemblée. « Il n’y a que deux solutions possibles, disait-il, l’Empire et la République. Mais le premier ne serait rétabli que le jour où la République se serait révélée impuissante à vivre. Or, elle se fortifie de jour en jour et le pays est en majorité républicain. » Hohenlohe ajoutait à ces paroles la note suivante où il essayait de mettre une malice qu’il avait naturellement dissimulée à son interlocuteur : « Je pense que Thiers s’estime le seul candidat capable de remplacer Mac Mahon. En quoi il peut se tromper. » Trois jours après, Thiers complétait ses informations : il croyait au succès de la loi du Sénat qui en effet fut votée le 24 février et fut considérée comme l’établissement même de la République. Mais il doutait qu’on parvînt à conserver la majorité jusqu’à la fin. « Les difficultés ne commenceront, disait-il, qu’après que la Constitution aura passé. Une fois la République constituée, les républicains songeront à des transformations dans le personnel administratif, afin d’éviter les embarras que des préfets monarchistes pourraient leur créer lors des élections. Le maréchal, qui doit sa position aux conservateurs, sera attaqué par les uns et par les autres, et la situation des ministres deviendra extrêmement épineuse. Ce sera l’enfer ! » Hohenlohe trouvait ces observations judicieuses. La gauche se tenait en effet tranquille, parce que sa tactique était d’établir la République en fait. Celle-ci obtenue, on la voudrait avec toutes ses conséquences. Si le maréchal cédait, il serait entraîné de plus en plus à gauche. S’il résistait, ce serait le conflit, et l’on pouvait douter qu’il fût en état de le surmonter.

À ce moment, la presse officieuse allemande ouvrit contre la France une campagne perfide, au sujet du renforcement de ses effectifs, qui aboutit à ce que l’on a appelé « l’Alerte de 1875. » Hohenlohe, qui ne fit rien pour conjurer cette alerte, est très sobre de renseignemens à cet égard et se borne à accuser Blowitz d’avoir, le 6 mai, par son article alarmant du Times, grossi l’affaire et fait de son argumentation une attaque intéressée contre l’Allemagne. Il contestait et niait, de la part de son pays, de réels sentimens d’hostilité. Cependant, le 25 mars précédent, dans un long entretien avec le grand-duc de Bade qui espérait le retour de rapports pacifiques avec la France, voici ce que dit Hohenlohe lui-même : « J’élevai des doutes. Possible qu’on évite