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Maroc. « Le chancelier, dit Hohenlohe, exprima l’opinion que nous ne pouvions que nous réjouir si la France s’adjugeait le Maroc. « Elle aurait beaucoup à faire de ce côté et nous pourrions lui concéder cette extension de son territoire en Afrique à titre de compensation pour l’Alsace-Lorraine. » Il n’est pas inutile de faire remarquer en passant que l’un des successeurs de Bismarck qui ont le plus admiré sa politique, le prince de Bülow, n’a pas eu, comme on le sait, la même opinion et, loin de se réjouir à la pensée d’un simple protectorat, a tout essayé pour empêcher la France de défendre même simplement les intérêts de son commerce et de ses nationaux. Dans un nouvel entretien avec le chancelier, le 26 novembre 1880, Hohenlohe apprit de lui qu’il fallait dire ouvertement que les Allemands étaient heureux de voir les Français chercher leur intérêt ailleurs, par exemple, à Tunis ou en Orient, parce qu’ils cesseraient ainsi de porter leurs regards sur la frontière du Rhin. Le chancelier jugeait que l’influence de Gambetta était en baisse et croyait que M. de Freycinet serait appelé à jouer un rôle important. Il conseillait de traiter poliment Gambetta, mais de ne point le fêter.

Rentré à Paris, l’ambassadeur alla voir Gambetta qui l’accueillit « avec sa courtoisie et sa chaleur tout italiennes. » Le député de Paris se félicitait du Kulturkampf français. Le résultat des mesures prises contre les congrégations lui avait donné pleine satisfaction. « Une fois pour toutes, disait-il, le pays était anticlérical ; il avait réclamé et attendu l’exécution des décrets. Le seul danger qui eût menacé le gouvernement provenait des lenteurs qu’il avait mises à prendre ces mesures énergiques ; en quoi il avait prêté le flanc à la méfiance. M. de Freycinet, dont Gambetta ne laissa pas de vanter les qualités d’orateur, l’autorité et le caractère et dont il considérait le départ comme une perte pour le Cabinet, — Jules Ferry l’avait remplacé comme président du Conseil, — s’était laissé duper par les négociateurs cléricaux, et finalement s’était avancé si loin qu’il n’avait plus voulu exécuter les décrets. Et pourtant, s’écriait Gambetta, c’est lui-même qui les a voulus ! Je lui ai bien dit que les lois existantes suffiraient. Mais, une fois les décrets émis, le pays avait réclamé leur exécution. L’hésitation de Freycinet avait provoqué une agitation et une effervescence considérables et sa position était devenue intenable. »

Le scrutin de liste, sur lequel Gambetta fondait tout le