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allemande à Strasbourg lui paraît convenable, le luxe médiocre, les réceptions et les bals passables. « J’ai fait le cercle sans interrompre, écrit-il un soir, et je trouve que le métier de roi est un fichu métier. » Sa terreur des Jésuites le reprend tout à coup à la nouvelle qu’on songe à leur rouvrir le territoire allemand. « Indépendamment de tout autre motif, écrit-il à un ami, je le déplorerais pour l’Alsace-Lorraine, car le jour où l’Ordre aurait accès en Allemagne, il s’établirait de préférence en Alsace. Et la germanisation des pays en question deviendrait cent fois plus difficile. Le mot de ce Père jésuite d’Innsbruck que la langue allemande est la langue de Luther et du diable tomberait ici en bonne terre. L’Ordre attirerait à lui toute la jeunesse, les femmes et tous les ennemis de la domination allemande. Le découragement s’emparerait des Allemands et toutes les sympathies françaises seraient cultivées et encouragées avec un nouveau zèle. » Les craintes de Hohenlohe ne se réalisèrent pas, et les Jésuites, dont il redoutait l’arrivée, ne vinrent point s’établir en Alsace. On commençait à trouver, malgré le zèle avec lequel il accomplissait ses fonctions, que le nouveau gouverneur n’était pas à la hauteur de son poste, et le parti militaire l’accusait volontiers de faiblesse. On lui conseillait une direction plus personnelle, plus accentuée. « Je n’ai pas le droit, disait-il, de jouer au monarque constitutionnel. Ce qu’il me faut éviter, c’est de commettre des actes de rigueur, sans connaître les personnes et les circonstances. On a souvent dit de moi : Il se presse lentement… Ainsi ferai-je dans cette occasion. » Le 22 janvier 1887, il alla voir le prince de Bismarck, qui l’engagea à rétablir l’obligation des passeports. « C’était, disait-il, une manière d’affirmer la séparation des deux pays, d’en faire deux pays étrangers l’un à l’autre, et ce serait utile pour les élections du 25 février. » Hohenlohe se préoccupait beaucoup de cette question et la trouvait grosse de difficultés. Il se sentait en pays hostile. « Les ecclésiastiques, écrivait-il quelque temps après, travaillent avec zèle contre le Septennat militaire. D’ailleurs et malheureusement, tout le clergé est demeuré français, parce qu’on a négligé de germaniser les séminaires sitôt après la guerre. A l’heure qu’il est, il faudrait un second Kulturkampf. Sûrement les élections tourneront mal. » Le chancelier s’inquiétait fort de l’action de la Ligue des Patriotes en Alsace et préconisait des mesures correctionnelles ou le bannissement contre ses affiliés ! Vaines menaces