Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/638

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alors 1870 et l’unité fut consommée par le fer et par le feu, et l’Empire créé aux acclamations du peuple allemand. Or, on découvrit bientôt qu’on manquait d’argent pour maintenir l’Empire sur pied. » Hohenlohe constate que Bismarck fut forcé de modifier sa politique douanière et de renoncer au libre-échange modéré, d’imprimer un élan colossal à l’industrie, de transformer la politique économique et d’assurer de vastes débouchés au commerce allemand qui avait pris un large essor et réclamait la protection du gouvernement. Le seul moyen d’exercer utilement cette protection était d’avoir une flotte capable de repousser les escadres ennemies et de protéger les navires marchands. Toutefois, le chancelier faisait les observations suivantes : « Il faut bien convenir que le tempérament impulsif de l’Empereur n’est pas fait pour tranquilliser les esprits. On pourrait lui souhaiter un peu plus de flegme. » Et cherchant tout de suite à adoucir ce jugement sévère, il ajoutait : « Mais on a tort de lui reprocher de n’écouter que son caprice et son plaisir en réclamant une flotte. A proprement parler, il ne fait que réaliser l’ambition que le peuple allemand nourrit depuis cent cinquante ans. »

Le chancelier, malgré une modestie affectée, avait conscience de ses mérites. « Les Allemands, écrivait-il dans son Journal, n’ont pas tort d’envisager ma présence à Berlin comme une garantie pour l’unité. De même que, de 1866 à 1870, j’ai travaillé à la réunion du Sud et du Nord, actuellement encore mon but doit être de maintenir la Prusse dans le faisceau de l’Empire. Car tous ces messieurs se moquent de l’Empire et sont très disposés à le lâcher aujourd’hui plutôt que demain. » Mais les intrigues se resserraient autour de lui. Les Agrariens, comme Limbourg, Stirum et Kardorf, l’accusaient de livrer l’Empire à l’invasion économique étrangère et de trahir ses intérêts à la veille du renouvellement des traités de commerce. La façon presque cavalière avec laquelle l’Empereur lui avait, pour ainsi dire, retiré la direction de la politique extérieure pour la confier plus spécialement au secrétaire d’Etat des Affaires étrangères, à la fois plus hardi et plus docile que lui, l’avait vivement offensé, car cela lui paraissait une diminution réelle de son autorité. Tout lui faisait sentir de jour en jour que l’heure de la retraite allait sonner. Il voulut cependant montrer qu’il était capable d’un grand effort et défendit au Reichstag, malgré une