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Salomé elle-même a un visage si sérieux et si calme qu’on s’étonne qu’elle ait pu être, ainsi que l’indique l’inscription en bas du tableau, la farouche princesse qui « caput saltando obtinuit. » Cette constante sérénité a même été prise par certains pour de la tristesse et je ne sais plus quel écrivain cherche à l’expliquer par l’impression qu’auraient produite sur lui les malheurs qui frappèrent Brescia pendant ses jeunes années…

Ces qualités du Moretto se retrouvent dans l’abondante série des tableaux qui ornent les murs des sanctuaires de Brescia. Le chef-d’œuvre est le Couronnement de la Vierge de l’église de Saint-Nazaire-et-Saint-Celse. Mais c’est à Saint-Clément que l’on goûte le mieux, dans toute sa pureté, le doux génie du peintre. Là vraiment est, avec son corps périssable, l’âme même de Bonvicino. De quel éclat rayonne, au maître-autel, sa Vierge entourée de Saints ! Comment oublier, quand on l’a vu, le saint Florian guerrier, si superbe d’allure dans son armure à reflets dorés ! La toile attire, dès le seuil de la petite église et, irrésistiblement, on y revient. Toute la nef en est comme illuminée. Nulle part on ne peut mieux apprécier les deux dons de l’artiste : le coloris et la composition.

Le Moretto fit aussi quelques portraits dont l’un est à la galerie Martinengo ; à ce point de vue cependant, sa gloire est éclipsée parle plus habile de ses élèves, Giambattista Moroni. Mais celui-ci, bien que pouvant se rattacher par son maître à l’école de Brescia, appartient surtout à Bergame. Et Brescia est assez riche pour ne rien emprunter à sa voisine.

Romanino, en revanche, bien qu’il se soit plus répandu au dehors et qu’il ait beaucoup voyagé, — jusqu’à Paris où il travailla au Louvre dans les appartenons de la Reine mère, — est vraiment brescian. Né treize ans avant son élève et rival Bonvicino, il lui survécut encore une dizaine d’années. Sa carrière fut longue et féconde. La province de Brescia est pleine de ses œuvres et il n’est pas une église du plus pauvre village du val Camonica qui ne puisse montrer un tableau ou une fresque de Romanino. Il est représenté dans la plupart des grandes galeries d’Italie, quelquefois par des chefs-d’œuvre, comme à Padoue par exemple où sa Madone est peut-être le plus beau tableau du Musée. Plusieurs églises s’enorgueillissent aussi de ses peintures, notamment San Giorgio in Braida de Vérone et surtout la cathédrale de Crémone qui possède d’admirables fresques que j’ai