Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/676

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suffirait en tout cas à faire de lui le meilleur sculpteur lombard de la Renaissance.

La façade est plus une grande décoration qu’une œuvre architecturale, et il n’est pas douteux que les moulures du socle, la galerie sous le dôme et les sculptures soient de la main d’Amadeo : il n’y a qu’à se rappeler les détails de la façade de la Chartreuse de Pavie. C’est le même art gracieux, riche et varié, mais un peu surchargé et bigarré, je n’ose dire, comme Burckhardt, un peu enfantin. Les marbres blancs, rouges et verts, forment un ensemble chatoyant et, somme toute, assez harmonieux.

L’intérieur a malheureusement été restauré et les trois fresques de Tiepolo jurent dans ce décor : elles achèvent d’enlever à cette chapelle tout caractère funèbre et religieux. Outre les deux tombeaux qu’elle renferme, Amadeo a sculpté la délicieuse petite fontaine de la sacristie et les piliers de l’entrée du chœur qu’il orna de feuillages, de raisins et d’enfans foulant la vendange. La tombe de Medea, fille du Colleoni, fut élevée originairement à Basella, dans un cloître de l’église des Dominicains ; ce n’est qu’au siècle dernier qu’elle a été transportée dans cette chapelle ; tout en marbre de Carrare, elle est d’une élégance finie et d’une grâce légère ; j’aime surtout la statue de la gisante, portrait délicat et vivant. Le monument du condottiere est plus imposant et plus riche ; il se compose de deux rangs superposés de bas-reliefs, surmontés d’une statue équestre en bois doré qui est l’œuvre d’un artiste allemand. L’ensemble est disparate et d’un aspect un peu trop théâtral. Les bas-reliefs inférieurs sont de beaucoup les plus importans et les meilleurs ; ils sont sculptés dans un seul bloc de marbre qui repose sur quatre colonnes supportées par des lions ; ils représentent des scènes de la Passion : une Flagellation qui est une véritable miniature, un Portement de Croix fort mouvementé, un Crucifiement où j’ai noté une très jolie attitude de la Vierge évanouie, une dramatique Déposition et une Résurrection qui est le moins bon morceau, un peu floue et mal composée. Ces bas-reliefs sont infiniment séduisans, mais ne dépassent guère, à les regarder avec attention, un excellent travail d’atelier. On ne sent chez l’artiste aucune flamme, dans l’œuvre aucune vie intérieure. C’est un art précieux et fouillé, mais qui reste de façade ; l’expression outrée et agitée a quelque chose de superficiel et d’un peu factice. Amadeo résume bien les caractères de la sculpture