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Et il est vrai que de justes réclamations avaient été faites contre l’inconvénient de laisser parmi les jeunes enfans de l’école primaire une quarantaine d’adolescens en retard qui étaient nés au Japon ; mais, comme ceux-là ne formaient, réunis même à quarante autres Japonais au-dessous de quinze ans, qu’une très infime minorité, on conviendra que le péril n’était pas grand et qu’il y avait, en tout cas, pour le conjurer, d’autres moyens que de représenter par un acte général et aussi retentissant la race japonaise comme une race inférieure et de fréquentation moralement dangereuse. L’émotion, assez naturelle, que suscita pareille offense dans l’opinion nippone encore exaltée de ses victoires russes, fut sans aucun retard prise en sérieuse considération par le gouvernement de Washington. Fort du traité de 1894, qui assurait aux Américains et aux Japonais en résidence les uns chez les autres le traitement dû aux citoyens de la nation la plus favorisée, le pouvoir fédéral engagea contre les autorités de San Francisco un procès pour défendre ses propres prérogatives en matière de relations internationales et pour déterminer la limite de souveraineté laissée aux Etats particuliers. On touchait là à ce qui est devenu le point faible de l’admirable Constitution américaine, à cette nécessité nouvelle, dont il faudra bien quelque jour tenir compte, de préciser par quelque article additionnel l’autorité diplomatique du pouvoir fédéral et de lui donner le moyen d’imposer aux divers Etats de l’Union le respect de ses engagemens internationaux.

Comme il arrive entre gens pratiques, la question des écoles de San Francisco fut tranchée en fait sans être résolue en droit. Au bout de cinq mois de négociations, le Conseil de l’Education retira la mesure objet du litige. Les Californiens, du reste, avaient atteint le but qu’ils visaient principalement et qui était d’imposer au pays entier un nouvel examen du problème des Jaunes, de mettre pour ainsi dire à l’ordre du jour de l’opinion publique la question de savoir s’il n’était pas temps d’appliquer aux immigrans du Japon les mesures d’exclusion qui atteignaient les immigrans de Chine.

Quelques désordres, facilement arrêtés, mais déjà significatifs, avaient accompagné cette première phase du conflit. Du 3 au 24 octobre, les restaurans japonais de San Francisco avaient été boycottés par le syndicat des cuisiniers et des garçons ; on empêchait les cliens d’entrer, on jetait des pierres dans les