Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/687

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Asiatiques, Japonais compris, de posséder des immeubles, dans cet État, d’être trustees de corporations, c’est-à-dire membres de conseils d’administration, enfin, comme en 1906, d’envoyer leurs enfans aux mêmes écoles que les blancs La presse de Tokio, sans se départir d’un grand sang-froid, déclara que le vote de pareilles mesures n’irait évidemment pas sans beaucoup refroidir l’amitié dont témoignait le récent accord. M. Roosevelt télégraphia au gouverneur de Californie qu’il eût à user de tout son pouvoir pour empêcher le vote des projets et, s’il le fallait, à y opposer son veto ; il insista sur le récent accord, qu’on allait compromettre, et dont l’un des avantages devait être justement, d’empêcher l’immigration en masse des ouvriers japonais. La législature, très républicaine et fort attachée à M. Roosevelt, s’empressa de lui céder sur deux des bills en question, ceux qui interdisaient aux Japonais le droit de posséder des terrains et d’exercer les fonctions de trustees. Mais elle vota, au début de février, le bill sur les écoles séparées, qui était bien le plus blessant de tous pour l’orgueil nippon. Le gouverneur protesta et demanda qu’on revînt sur ce vote ; le Président menaça de le faire annuler, comme anticonstitutionnel, par la Cour suprême des Etats-Unis. Enfin, après plus d’un mois d’agitation passionnée, M. Roosevelt l’emporta encore, et le 12 février, par 41 voix contre 37, la Chambre californienne, se déjugeant comme malgré elle, rejeta le bill provocateur. Mais on voit à quel petit nombre de suffrages avait tenu la victoire de l’intérêt national sur les passions particulières. Il est à noter, de plus, que l’émotion s’était répandue assez pour que les Chambres du Nevada eussent encouragé de leurs votes celles de Californie à demeurer intransigeantes, et pour que des propositions anti-japonaises fussent également soutenues dans les Chambres de l’Orégon, de l’Idaho, voire du Nébraska. C’était donc tout l’Ouest qui menaçait de prendre parti contre les Japonais et de leur refuser des droits accordés sans nulle distinction à n’importe quels émigrans de race blanche ; cela, nous le répétons, au début de 1909, immédiatement après la conclusion d’un très important accord entre Tokio et Washington.


II

Il faut qu’un antagonisme aussi singulier et contre lequel se brisent impuissantes les plus amicales intentions, les plus