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voisins ou éloignés parce qu’on l’y a vu de plus loin et que major a longinquo reverentia : la distance aide au prestige. La force générale du parti qui dispose de la majorité dans un département agit en bloc pour chacun des siens, et ils forment ensemble le trust électoral, machine à la fois économique et puissante sur laquelle ils continuent de compter lorsqu’ils ont cessé de compter sur eux-mêmes. Voilà pourquoi nos radicaux socialistes sont actuellement partisans du scrutin de liste. Quand ce mode de scrutin aura accompli son œuvre, ou verra, on avisera, on fera autre chose, si les circonstances l’exigent. Pour aujourd’hui les avantages du scrutin de liste sans représentation proportionnelle sont évidens aux yeux des radicaux, tandis que ses inconvéniens sont obscurs et lointains. Les voilà donc partis en campagne, et ils espèrent endoctriner les réformateurs naïfs, plus doctrinaires que pratiques, en leur disant que chaque chose viendra en son temps, le scrutin de liste aujourd’hui, la représentation proportionnelle demain, de sorte que tout le monde sera content après-demain. Mais la séduction est d’une espèce trop grossière pour être tentante, et ni M. Charles Benoist, ni M. Poincaré ne s’y laisseront prendre. C’est pourquoi il est très probable qu’aucune réforme ne sera votée et que les élections prochaines, comme les précédentes, auront lieu au scrutin d’arrondissement. Nous continuerons de piétiner sur place. Nous resterons menacés de glisser plus bas. Il faudrait, pour qu’il en fût autrement, un héroïsme dont ni la Chambre, ni le gouvernement, ne sont capables. Mieux vaut compter, avec M. Benoist sur la désillusion et l’irritation grandissante du pays.

Tels sont les pronostics qu’on peut faire à la veille de la session d’automne : ils ne sont pas d’un caractère encourageant. Au reste, cette session doit être avant tout consacrée au budget. Pendant que la Chambre le discutera, le Sénat discutera le projet de loi sur les retraites ouvrières, nouvelle source de dépenses et de dépenses que, en dépit des prévisions les mieux établies, il est impossible de chiffrer avec certitude. Nous allons en matière fiscale du connu, qui est déjà effrayant, à un inconnu qui le sera plus encore. On nous dit qu’il en est de même dans d’autres pays, qui sont comme nous à la tête de la civilisation, l’Allemagne, l’Angleterre ; mais cela ne nous console pas. Au surplus, en Allemagne, on a demandé le demi-milliard dont on avait besoin à un système d’impôts assez baroque, mais non pas très dangereux. A la vérité, il en est autrement en Angleterre.

Nous avons déjà parlé du budget de M. Lloyd George : il mérite à