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Dans un pays dont la production ne suffit pas à sa consommation, les droits de douane n’augmentent-ils pas la valeur des objets importés, et le poids n’en retombe-t-il pas, au moins pour une part sensible, sur les maigres épaules du « pauvre homme ? » Nous connaissons les argumens prestigieux dont s’est servi autrefois M. Chamberlain pour faire accepter sa réforme douanière : fortifier l’unité de l’Empire à travers les mers, se défendre contre le protectionnisme des autres pays qui ferment leurs marchés aux produits anglais. Soit, mais est-ce bien le « pauvre homme » qui profite le plus de ces mesures politiques ou économiques ? Il est regrettable pour l’Angleterre d’avoir à choisir entre le socialisme et le protectionnisme, car le libre-échange a fait sa fortune, et elle est peut-être le pays du monde auquel le protectionnisme convient le moins. Mais si l’alternative est bien celle que pose M. Balfour, entre deux maux il faut choisir le moindre, et le moindre est sans doute le protectionnisme parce qu’on peut plus facilement en revenir ou le modérer, tandis qu’on ne revient guère du socialisme : il va toujours en s’aggravant jusqu’à ce qu’il ait conduit aux catastrophes.

Les choses sont en suspens. La Chambre des communes poursuit activement la discussion du budget, qui bientôt sera terminée. Les questions que l’opinion agite se poseront alors pratiquement et impérieusement à la Chambre des lords. Après le discours de M. Balfour, on peut prévoir que le budget ne sera pas voté par elle. Alors les élections seront prochaines. Quant à prévoir ce que dira le pays, nul sans doute, malgré la confiance égale que montrent les deux partis, ne peut le faire avec certitude : et c’est pourquoi l’heure est si grave pour l’Angleterre, et si intéressante, si préoccupante pour ses amis.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.