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devaient être le seul ouvrage de la conscience libre et éclairée, pour être louables[1]. »

Toutes ces questions allaient être soulevées et discutées avec passion dans l’assemblée de 1775. Quelques semaines avant la réunion, l’archevêque de Paris avait fait auprès de Maurepas une tentative, que l’abbé de Véri rapporte dans ces termes[2] : « On sera surpris qu’au milieu de la pente universelle vers la tolérance, il y ait eu un homme assez borné pour proposer de remettre en vigueur les lois les plus rigoureuses contre les protestans. Cet homme est M. de Beaumont, archevêque de Paris. Il y a huit jours qu’il est allé trouver M. de Maurepas pour lui dire que le parlement lui paraissait prendre la tournure de la docilité, — ce parlement qu’il regardait comme impie et athée, lorsqu’il était jadis opposé à ses violentes diatribes contre le jansénisme, — que, si l’on voulait en profiter, l’occasion était favorable pour rappeler dans une seule loi toutes celles faites depuis François Ier contre les protestans, que sûrement cette loi serait enregistrée, et qu’on arriverait par là, à cette uniformité de religion que tant de rois avaient tentée pour le bien du royaume. »

Une telle proposition n’était pas pour plaire à Maurepas. D’opinions modérées et de caractère pacifique, ses idées politiques comme son goût du repos le portaient vers la tolérance. Mais, sceptique avant tout, son grand souci était de maintenir l’équilibre entre les partis opposés. « Il ne cherchait, dit l’abbé de Véri, qu’à s’arranger, d’après les sentimens du maître et les avis du conseil, pour ne contredire personne mal à propos. » Il s’appliquait donc soigneusement à garder la balance égale entre les fureurs orthodoxes de certains membres de l’épiscopat et les tendances libérales de Turgot, dont les principes en cette matière semblaient alors d’une singulière audace. Nous en connaissons les grandes lignes : libre exercice de tous les cultes, légitimité des mariages contractés dans les temples, création de « registres où le juge civil inscrirait naissances, morts, filiations, sans que le mot de religion y soit prononcé, » suppression des « certificats de catholicité, » admission de tous les Français à tous les emplois auxquels ils sont reconnus aptes, « sans qu’y entrent pour rien leurs opinions théologiques, » enfin, comme

  1. Documens publiés à la suite des Mémoires de Soulavie.
  2. Journal inédit, passim.